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Anesthésie pour TAVI

Au début réservée aux patients trop fragiles pour subir un remplacement valvulaire aortique en CEC, l'indication au TAVI s'est progressivement élargie aux malades à risque modéré, et bientôt aux patients à risque bas. Avec l'expérience acquise dans les centres qui en sont coutumiers et la miniaturisation de l'appareillage (introducteurs 10-14F), il devient possible de simplifier la prise en charge et d'envisager l'intervention sous sédation-analgésie dans de nombreux cas. Néanmoins, il est prudent que l'équipe chirurgien-anesthésiste-cardiologue décide à l'avance jusqu'où ira la réanimation en cas de problème, notamment si un passage en CEC est envisageable [13].
 
Anesthésie générale versus sédation-analgésie
 
Alors que l’anesthésie générale (AG) est requise pour la voie transapicale à cause de la thoracotomie, pour la voie transaortique à cause de la sternotomie et pour les voies sous-clavière ou carotidienne à cause de leur localisation, l’implantation par voie fémorale peut aussi se pratiquer sous sédation et anesthésie loco-régionale (ALR) du pli de l’aine. Quels sont les avantages respectifs de chaque technique ? L’AG est requise pour l’utilisation de l’ETO ; elle assure le confort et l’immobilisation du patient (possibilité d’apnée), et facilite la tolérance à la tachycardie ventriculaire (baisse du débit cérébral) ou au traitement des complications (reconstruction vasculaire chirurgicale, défibrillation, etc) [3,4,19]. La simple sédation-analgésie, bien adaptée à la voie fémorale, a l’avantage d’assurer une bonne surveillance neurologique par l’état de conscience du malade et une récupération postopératoire rapide, mais elle n’autorise pas l’utilisation de l’ETO, qui est le moyen le plus rapide et le plus utile pour vérifier l’anatomie, pour positionner la prothèse, pour réduire la quantité de contraste radiologique (diminution de l’incidence d’insuffisance rénale postopératoire), pour diagnostiquer les complications immédiates (fuite paravalvulaire, tamponnade) et pour évaluer la fonction ventriculaire [8,10,11,12,19]. Les petites sondes ETO nasales mieux tolérables pour le patient n’ont pas d’imagerie 3D et sont trop imprécises en 2D pour remplacer l’ETO conventionnelle. Ajoutée à l’ALR, la sédation peut certes assurer le confort et l’immobilité du patient, mais au risque d’une perte de contrôle des voies aériennes supérieures et d’une hypoventilation entraînant une hypercarbie néfaste chez des patients dont la PAP est généralement déjà élevée. L’ETO en anesthésie locale réclame une sédation profonde pour tolérer la sonde pendant 2-3 heures ; ceci n’est possible qu’au prix d’un risque majeur de broncho-aspiration. Le taux de conversion d’AL en AG est très variable (1-17%) [2,17,19,21]. Outre l'utilisation de l'ETO, l'AG est préférable chez les patients à haut risque, chez ceux qui sont incapables de rester immobiles ou de comprendre la langue, et chez ceux qui souffrent de douleur chronique ou d'accès vasculaire problématique. 
 
On dispose de plusieurs études comparatives contrôlées entre AG et sédation-analgésie (SA) pour le TAVI par voie fémorale [5,6,17,18,23,25,27], mais il n'existe pour l'instant aucune étude randomisée dans ce contexte [20,26]. La comparaison est en général biaisée par le fait que l'AG est choisie d'emblée pour les cas complexes et pour la phase d'apprentissage, si bien que les résultats de la SA sont arbitrairement favorisés [20].  L'ALR avec SA permet de simplifier l'équipement, raccourcit la durée de l'opération (-30%) et du séjour hospitalier (-50%), et diminue l'utilisation d'agents vasopresseurs ou d'expandeurs volumiques [27]. La saturation cérébrale, les fonctions neuro-cognitives et le taux d'AVC se sont révélés comparables dans les deux groupes, mais la mortalité tend à diminuer en ALR et SA [17]. Toutefois, les incidents ont été plus fréquents sous ALR : agitation et douleur (61%), bradypnée (52%), insuffisance respiratoire avec hypercarbie et acidose (19%), désaturation artérielle (16%) [23]. Cependant, la sédation-analgésie contraint à une échocardiographie transthoracique moins performante que l'ETO. Pour certains auteurs, les deux techniques d'échocardiographie font jeu égal vu la qualité et la précision des investigations préopératoires par angio-CT multibarettes ou angio-IRM avec reconstruction 3D, qui permettent de définir très exactement l'anatomie et la taille de la prothèse et rendent moins dépendant de l'imagerie échocardiographique peropératoire [5,24]. L'avantage de l’ETO est l'identification immédiate des fuites paravlavulaires [15]. Pour cette raison, le taux de fuites modérées (degré ≥ 2) retrouvées ultérieurement en postopératoire est en général plus important lorsque l'opération s'est déroulée sous SA que sous AG [25]. Or ces fuites sont associées à une péjoration de la mortalité à long terme [19,26]. Dans la plus importante méta-analyse publiée à ce jour (10'572 patients), la SA semble diminuer la mortalité (RR 0.73), le besoin en vasopresseur (RR 0.45) et la durée du séjour hospitalier (- 2 jours), mais l'incidence des fuites paravalvulaires est plus élevée que sous AG (RR 1.2) [30]. Aucune différence n'est relevée dans l'incidence d'AVC, d'insuffisance rénale, de complications cardiovasculaires, de saignements ou de besoin en pacemaker.
 
Certains centres adoptent une attitude mixte. Les cas anatomiquement simples, chez des malades collaborants en état général conservé, se pratiquent sous AL avec l’appui d’une échocardiographie tranthoracique et de radiologie. L’AG est réservée aux patients chez qui l’implantation peut être difficile, qui nécessitent un contrôle ETO à cause d’une anatomie peu favorable ou qui souffrent d’insuffisance rénale et doivent éviter les produits de contraste (Tableau 10.5) [24,29]. De toute manière, la surveillance des malades réclame le même niveau de compétence anesthésique et échocardiographique dans les deux cas [23,25,32]. La tendance est très certainement de favoriser les techniques de sédation-analgésie, moins invasives et plus séduisantes pour le patient. Leur popularité va de pair avec la miniaturisation des systèmes d'implantation, le moindre besoin de pacing rapide avec les nouvelles prothèses, la précision des reconstructions 3D et l'expérience acquise dans les centres qui ont un volume important de TAVI. Actuellement, la SA est utilisée dans 60% des cas en moyenne [1].
 
 
Plusieurs situations cliniques sont considérées comme des critères de sélection pour recommander préférentiellement une anesthésie générale, car elles représentent des contre-indications à une intervention sous sédation [21,24,27].
 
  • TAVI par voie autre que fémorale;
  • Syndrome d'apnée du sommeil, obésité morbide, orthopnée;
  • Non-coopération du patient (état mental, démence, langue étrangère);
  • Incapacité du patient à rester allongé (douleur, arthrose);
  • Vasculopathie périphérique rendant l'accès artériel complexe;
  • Obligation d'utiliser l'ETO;
  • Recours itératif au pacing rapide avec les prothèses déployées par gonflement d'un ballon;
  • Difficulté d'intubation prévisible (en cas de conversion en AG);
  • Manque d'expérience de l'institution avec le TAVI. 
Lors de minithoracotomie pour la voie transapicale, l’anesthésie loco-régionale offre deux possiblités d’appoint antalgique.
 
  • Blocs intercostaux ou blocs paravertébraux thoraciques sur 3 niveaux (30 mL 0.2% ropivacaine) pour l’analgésie postopératoire ;
  • Anesthésie péridurale thoracique, certainement plus efficace, mais très discutable à cause du traitement antiplaquettaire. En effet, la péridurale n’est possible que si le patient est sous aspirine seule (< 300 mg/j) ; or ces malades sont placés sous bithérapie (aspirine 150 mg et clopidogrel 75 mg avec ou sans dose de charge 300 mg) dans les premières 24 heures postopératoire et pour 3-6 mois selon le type de valve [31]. Comme le cathéter doit être retiré avant d'entreprendre la double thérapie antiplaquettaire, la péridurale est inutile pour le postopératoire.
Technique d’anesthésie générale
 
L’équipement est identique quelle que soit la technique : ECG, SpO2, ScO2 (saturométrie cérébrale, si canulation sous-clavière ou carotidienne), capnographie, température, cathéter artériel radial (côté opposé à l’éventuelle canulation sous-clavière par l’opérateur), voie périphérique de haut débit, voie veineuse centrale 2-3 lumières (facultatif), cathéter vésical et ETO (en cas de narcose). Le cathéter pulmonaire de Swan-Ganz est superflu ; sa mise en place présente un risque d’arythmie maligne non négligeable dans le cadre de la sténose aortique. La pression intraventriculaire gauche mesurée par le cathéter de l'opérateur peut être affichée à l'écran en superposition à la courbe artérielle; on dispose ainsi d'une vision directe du gradient trans-aortique. Des plaques de défibrillateur externe sont installées à l’induction (contact contrôlé). Le patient est protégé de l'hypothermie en montant la température de la salle, en chauffant les perfusions et en utilisant de l'air pulsé chaud. La durée de l’intervention varie de 1.5 à 2.5 heures, et celle de l’anesthésie de 2-3 heures [14,28]. L’intervention s’accompagne de la même prophylaxie antibiotique que toute chirurgie valvulaire et d'une héparinisation systémique (héparine non-fractionnée) visant un ACT de ≥ 300 secondes. S'il est requis, l'antagonisme de la coagulation est réalisé par 0.5 mg de protamine pour 1.0 mg d'héparine. Une bithérapie anti-agrégante (aspirine 100-150 mg, clopidogrel 75 mg) est débutée dans les premières 24 heures postopératoires et continuée pendant 3 mois (valves auto-expansives) à 6 mois (valves expandues au ballon); l’aspirine est prescrite à vie [26,31]. Certains protocoles comprennent une dose de charge de clopidogrel (300 mg) en périopératoire. Le prétraitement antiplaquettaire par aspirine et clopidogrel avant l'opération a été abandonné par la plupart des centres à cause du risque hémorragique. Certains malades ont besoin d'une anticoagulation (en général agent anti-vitamine K) à cause d'une fibrillation auriculaire ou d'une hypomobilité des feuillets de la prothèse (HALT, hypoattenuating leaflet thickening) qui favorise la formation de thrombus dans les sinus de Valsalva [22]. Ils ne reçoivent une trithérapie que pendant 1 mois, puis passent à une bithérapie par anticoagulant et aspirine ou clopidogrel [31].
 
L’anesthésie vise un réveil et une extubation rapides (fast-track anaesthesia), mais elle doit offrir un maximum de stabilité hémodynamique à ces malades particulièrement fragiles. Le choix des agents importe moins que la manière dont ils sont administrés, qui doit être très précautionneuse : doses réduites, induction lente, correction immédiate de toute déviation circulatoire. La pression de perfusion coronarienne doit être maintenue (PAM ≥ 75 mmHg) avec un vasopresseur (phényléphrine, noradrénaline) ; ceci ne représente pas une augmentation de postcharge pour le VG car cette dernière dépend essentiellement du degré de sténose aortique. La plus grande stabilité hémodynamique est obtenue avec une combinaison d’etomidate et de fentanyl/sufentanil pour l’induction, et de sevoflurane ou propofol pour le maintien. La technique la plus fréquemment utilisée est une anesthésie intraveineuse totale (TIVA) : induction avec propofol (2-3 mg/kg) et remifentanil (0.15-0.3 mg/kg), complétée par du rocuronium (0.3 mg/kg) pour l’intubation, suivie par une perfusion continue des mêmes agents (propofol 3 mg/kg/heure, remifentanil 0.2 mcg/kg/min). Autre possibilité : induction avec etomidate (0.3 mg/kg) ou propofol (1-2 mg/kg), sufentanil (0.5-1 mcg/kg) et rocuronium (0.6 mg/kg), puis maintien avec sevoflurane (1%) et remifentanil (0.2 mcg/kg/min) [7]. Chez les patients très fragiles, l’etomidate est préférable au propofol pour l’induction.
 
Un tube double-lumière n’est pas nécessaire pour l’accès à l’apex lors de la mini-thoracotomie gauche antérieure ; un tube standard et une ventilation à bas volume courant et haute fréquence sont en général suffisants pour dégager l’apex du VG. En-dehors de cette phase de dissection, le patient est normoventilé : volume courant 6-8 mL/kg, FiO2 0.5-0.8, PaCO2 35 mmHg. La normothermie doit être scrupuleusement conservée pour pouvoir procéder à une extubation rapide : salle chauffée à 20-22°C, réchauffement des gaz et des perfusions, air chaud pulsé sous les champs, emballage des parties découvertes avec de l’ouate. Le patient est anticoagulé dès que l’exposition de l’artère ou de l’apex est réalisée : héparine non-fractionnée 1 mg/kg pour un ACT ≥ 300 sec. L’héparinisation est renversée avec de la protamine en fin de procédure [28]. 
 
L’électro-entraînement ventriculaire rapide (180-220 batt/min) (rapid pacing) est réalisé par une électrode montée jusque dans le VD (voie fémorale ou jugulaire interne) ou implantée sur la face antérieure du VG (voie épicardique) en cas d’abord transapical. Si la capture est déficitaire, on descend la fréquence d’entraînement par paliers de 10-20 batt/min. Avant chaque période de pacing ventriculaire, il est prudent de ventiler à FiO2 1.0 et de maintenir la PAM ≥ 80 mmHg (vasopresseur) de manière à accélérer le rétablissement de la pression artérielle lorsque cesse l’hypotension due à la tachycardie ventriculaire (Figure 10.26) [8,9]. Le ballon intravalvulaire est gonflé et la prothèse déployée lorsque la PA différentielle est < 20 mmHg, ce qui traduit la réduction extrême du volume systolique même si la PAsyst reste significative, car celle-ci est influencée par les RAS et le volume circulant. La durée du pacing est de 10-15 secondes. Le pacing est obligatoire pour les prothèses expandues au moyen d'un ballon, il est facultatif ou inutile pour les nouvelles valves auto-expansibles [26]. Le temps de récupération fonctionnelle du VG est normalement inférieur à 60 secondes ; il est un bon indice de la réserve contractile du ventricule. S’il se prolonge, une aide inotrope ou une assistance est requise.  En cas d’épisodes répétés, il faut laisser plusieurs minutes au ventricule pour récupérer complètement entre les épisodes. Toutefois, si la dilatation de la valve native entraîne une insuffisance aortique massive qui surcharge le VG, il faut mettre la prothèse en place au plus vite [9]. Un exemple de protocole d’anesthésie est résumé dans le Tableau 10.6. 
 
 
Les malades souffrant de sténose aortique développent une hypertrophie ventriculaire gauche et une dysfonction diastolique qui rend leur hémodynamique très dépendante du remplissage. Comme le passage de guides et de cathéters dans un VG hypovolémique est particulièrement ardu, il est recommandé d’administrer 1.0-1.5 L de cristalloïdes au cours de l’intervention [16]. Que ce soit autour de l’apex du VG ou des vaisseaux fémoraux, l’opération entraîne des pertes sanguines qui justifient l’utilisation d’un système de récupération érythocytaire et des transfusions dans la moitié des cas [3]. Le sang peut s’accumuler dans la plèvre gauche en cas de thoracotomie ou dans le rétropéritoine en cas de lésion des vaisseaux ilio-aortiques. Quatre-vingt pourcent des patients ont besoin d’un vasoconstricteur, 20-35% d’un support inotrope, et jusqu’à 5% d’une contre-pulsion intra-aortique [9,14]. Les cas de conversion en CEC sont très rares (< 5%). Si un massage cardiaque s’avérait nécessaire, il est impératif de contrôler le positionnement de la prothèse après la réanimation. 
 
Le patient est extubé en salle ou dans l’heure qui suit l’intervention, dans la mesure où il est normocarde, normothermique et sans signes d’hémorragie active. Habituellement, il séjourne 24-48 heures en surveillance continue ; il n’est transféré aux soins intensifs que lors de complications graves (ECMO, dissection A, conversion en CEC) ou en cas de fonction ventriculaire misérable ne tolérant pas le pacing rapide [12]. Dans le postopératoire, on évite toute poussée hypertensive qui augmenterait le risque hémorragique au niveau des sutures vasculaires ou apicales [16]. La durée d’hospitalisation moyenne est d’une semaine, mais elle tend à se raccourcir. 
 
A l'origine, le TAVI a été conçu pour des personnes fragiles sans réserve physiologique. L’intervention n’a des chances de réussir que si elle se déroule sans accroc et que l’hémodynamique est maintenue parfaitement stable. Le moindre détail malencontreux peut engendrer une cascade de complications contre lesquelles le malade n’a aucune défense [19]. Il est capital que l’équipe (heart team) discute au préalable des plans de récupération en cas de problème, notamment des décisions de réanimation. Dans une intervention qui est quasiment du sauvetage, les souhaits du patient doivent être connus et respectés ; les limites thérapeutiques doivent être définies à l’avance et les points de non-retour agréés par tous de manière à éviter toute tergiversation dans une situation aiguë.
 
Technique de sédation-analgésie
 
Les prérequis de base sont les mêmes que ceux décrits pour l'anesthésie générale: installation, monitorage (ECG, saturométrie, PetCO2) cathéter artériel, voie centrale jugulaire, plaques de défibrillateur, antibiothérapie, normothermie, héparinisation, pacing ventriculaire, échocardiographie (transthoracique), angiographie (produit de contraste), antiplaquettaires. La sonde vésicale n'est pas nécessaire. L'oxygénation est assurée au masque (Ventimask™) avec une FiO2 0.4-0.5. L'accès fémoral est réalisé sous anesthésie locale (infiltration) et/ou par bloc ilio-inguinal ou ilio-hypogastrique. Plusieurs modalités de sédation-analgésie sont à disposition.
 
  • Midazolam: bolus itératifs (1-3 mg), éventuellement associé à la nalbuphine (5 mg); risque de délire (inadequat > 75 ans), sédation prolongée.
  • Propofol: perfusion (1 mg/kg/h), éventuellement associé au remifentanil (0.03 mcg/kg/min); baisse de la précharge, risqué de dépression respiratoire. 
  • Rémifentanil: perfusion (0.03-0.5 mcg/kg/min) pour taux de 1-3 ng/mL; risque de bradycardie et de dépression respiratoire.
  • Dexmédétomidine (Dexdor®): perfusion (0.5-1.0 mcg/kg/h); risque de bradycardie et d'hypotension (hypertension en cas de bolus), contre-indiquée en cas de bloc AV.
D'une manière générale, le propofol, le rémifentanil et la dexmédétomidine donnent des résultats équivalents [2]. La surveillance du malade est assurée par un anesthésiste (MAC: monitored anesthesia care); elle réclame la même acuité que pour une anesthésie générale. La présence d'un anesthésiste-réanimateur est essentielle lorsque survient une décompensation respiratoire (hypoventilation, broncho-aspiration), une défaillance ventriculaire ou une complication aiguë (rupture aortique, tamponnade, déchirure vasculaire) [24]. Le taux de conversion en AG est en moyenne de 5-10% des cas (1-22% selon les publications) [2,19,20]. Il est justifié en général par un état d'agitation ou de non-coopération (50% des cas), par une instabilité hémodynamique, une hypoventilation, une complication, ou par la nécessité de procéder à une ETO [24,27]. 
 
 
Anesthésie pour implantation de valve aortique
L'élargissement des indications du TAVI à des malades à risque modéré, l'expérience acquise et la simplification de l'appareillage ont conduit à envisager la prise en charge sous sédation-analgésie (SA) et non plus seulement sous anesthésie générale (AG).
 
Avantages de l'anesthésie générale:
    - Protection des voies aériennes et contrôle de la ventilation
    - Possibilité d'utiliser l'ETO
    - Immobilité assurée, possibilité d'apnée, et confort pour le patient
    - Prise en charge facilitée des complications
    - Mieux adaptée aux cas à haut risque
Avantages de la sédation-analgésie:
    - Stabilité hémodynamique
    - Temps opératoire plus court, accélération du postopératoire, simplicité
    - Détection rapide des AVC et AIT (état de conscience)
    - Avantageux si BPCO sévère
Indications particulières à l'anesthésie générale (contre-indications à la sédation-analgésie):
    - Syndrome d'apnée du sommeil, obésité morbide
    - Difficulté d'intubation prévisible
    - Non-coopération du patient (démence, langue étrangère)
    - Incapacité du patient à rester immobile
    - Vasculopathie périphérique rendant l'accès artériel complexe
    - Obligation d'utiliser l'ETO
    - Voies transapicale, transaortique, sous-clavière, carotidienne
 
Equipement: cathéter artériel, voie veineuse centrale. L’intervention s’accompagne de prophylaxie antibiotique, d’anticoagulation (héparine pour ACT ≥ 300 s) et de bithérapie anti-agrégante (aspirine + clopidogrel) continuée 3-6 mois.
 
Le choix des agents d’anesthésie importe moins que la manière dont ils sont administrés, qui doit être très précautionneuse chez les malade débilités : doses réduites, induction lente, correction immédiate de toute déviation circulatoire. Techniques préférées :
    - Induction étomidate ou propofol
    - Maintien sevoflurane/isoflurane et fentanyl/rémifentanil
    - TIVA propofol - rémifentanil
Maintien rigoureux de la normothermie. On vise une extubation sur table ou rapide (< 2 heures). 
 
Techniques de sédation-analgésie: midazolam, propofol, rémifentanil, dexmédétomidine. L'équipement et la surveillance sont identiques pour l'AG et la SA.
 
Chez les patients fragiles et sans réserve, le TAVI n’est un succès que si la stabilité hémodynamique est rigoureusement préservée et que si l’intervention se déroule sans incident.


© CHASSOT PG, BETTEX D, MARCUCCI C,  Mars 2008, dernière mise à jour, Novembre 2019
 
 
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