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Indications opératoires
La sévérité des symptômes cliniques est un bon critère de l’inadéquation hémodynamique imposée par la valvulopathie, mais elle est mal corrélée avec l’importance anatomique de la lésion telle qu’on la découvre à l’échocardiographie, à l'IRM ou au cathétérisme; cette divergence empêche de poser des indications opératoires sur le seul aspect des examens paracliniques. D’une manière générale, les symptômes apparaissent avant la décompensation ventriculaire dans les sténoses valvulaires, alors que les insuffisances se caractérisent par une dégradation fonctionnelle du VG qui s’installe avant la survenue de la symptomatologie clinique [2]. De ce fait, l’indication opératoire est plus facile à poser dans les sténoses que dans les insuffisances.
Par analogie avec celle de l'insuffisance cardiaque, l'évolution clinique des valvulopathies est divisée en quatre stades [6].
- A: situations à risque; patients asymptomatiques avec de simples facteurs de risque.
- B: valvulopathie progressive; patients asymptomatiques avec une pathologie valvulaire mineure ou modérée.
- C: valvulopathie sévère mais asymptomatique; critères de sévérité présents à l'échocardio-graphie, à l'angio-CT ou au cathétérisme.
- C1: fonction du VG et du VD encore compensée.
- C2: décompensation ventriculaire gauche et/ou droite.
- D: valvulopathie sévère et symptomatique.
Si l’indication opératoire est facile à poser lorsque les malades sont symptomatiques ou qu’ils répondent aux critères de valvulopathie sévère (voir les définitions pour chaque valve), il est plus difficile de décider d’une opération chez un patient asymptomatique ou paucisymptomatique. Dans ces conditions, plusieurs critères interviennent.
- Le suivi échocardiographique permet de repérer le moment où les dimensions du ventricule ou de l’oreillette se modifient significativement. Au-delà des limites supérieures normales (DtsVG > 2.5 cm/m2, DtdVG > 4.0 cm/m2, DOG > 5.0 cm), il est recommandé de procéder à une correction valvulaire, même chez les malades paucisymptomatiques [1]. Toutefois, ces critères se sont avérés inadaptés aux femmes souffrant d’insuffisance valvulaire, car elles sont symptomatiques avant d’atteindre ces degrés de dilatation [5].
- Une diminution de la performance systolique ou l’apparition d’arythmies (FA) déterminent également le moment d’intervenir [1,4,6].
- Les tests d'effort permettent de débusquer les patients asymptomatiques à cause d'une limitation spontanée de leur activité mais dans l'impossibilité d'accomplir un exercice sans augmentation excessive du gradient de pression ou de la PAP systolique [7,8].
- Bien qu’il soit un facteur de risque indépendant en chirurgie valvulaire, l’âge (> 75 ans) n’est plus guère une contre-indication à la chirurgie, en particulier pour la sténose aortique [3,9,10].
- La tendance à procéder à des plasties plutôt qu'à des remplacements valvulaires et l’amélioration des résultats chirurgicaux de ces reconstructions ont conduit à poser l’indication opératoire plus tôt dans l’évolution de la maladie, donc à opérer des patients en meilleur état clinique.
D’une manière générale, l’échocardiographie est devenue suffisamment performante pour apporter toutes les données nécessaires à l’indication opératoire. L’épreuve d’effort permet de stratifier le risque individuel chez les patients asymptomatiques, dont la réduction d’activité physique masque la réalité de la maladie (voir Epreuve d'effort). Un cathétérisme n’est pratiqué plus que dans les cas douteux (< 5%); une coronarographie est faite en cas de symptomatologie ischémique ou au-delà de 45 ans si un remplacement valvulaire en CEC est prévu.
Toute insuffisance aortique, si minime soit-elle, fait courir un risque de dilatation ventriculaire au cours de la cardioplégie par la racine aortique au début de la CEC, parce que le coeur cesse de battre efficacement et n'éjecte plus le volume qu'il reçoit (Figure 11.33). Il faut attentivement surveiller la taille de la cavité ventriculaire à l'ETO, et, si la pression est basse, éviter de céder à la tentation d’injecter des vasoconstricteurs qui accentueraient la fuite aortique. Toute augmentation de la taille du VG impose de le masser et de le drainer pour le vider.
Figure 11.33 : Schéma illustrant le risque de dilatation du VG en cas d’IA lors du début de CEC et lors de la cardioplégie. En début de CEC, la canule artérielle (1) débite dans l’aorte ascendante ; comme le VG cesse progressivement d’éjecter, il risque de se remplir par l’IA tant que le clamp aortique (2) n’a pas bloqué le flux vers la valve qui fuit. La solution de cardioplégie (3) est administrée dans la racine de l’aorte pour perfuser les coronaires ; en cas d’IA, une partie de la solution fuit dans le VG et risque de le dilater puisqu’il ne se contracte plus.
Indication opératoire |
D'une manière générale, l'indication opératoire des valvulopathies est posée dans les situations suivantes:
- Valvulopathie sévère symptomatique
- Valvulopathie sévère asymptomatique avec aggravation de l'atteinte ventriculaire
- Valvulopathie modérée-à-sévère ou sévère asymptomatique lors d'une intervention cardiaque pour une autre pathologie
- Endocardite réfractaire et/ou embolisante
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© CHASSOT PG, BETTEX D, Août 2011, dernière mise à jour Août 2018
Références
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- IUNG B, GOHLKE-BÄRWOLF C, TORNOS P, et al. Recommandations on the management of the asymptomatic patient with valvular heart disease. Eur Heart J 2002; 23:1253-66
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- PIERARD LA, LANCELLOTTI P. Stress testing in valve disease. Heart 2007; 93:766-72
- SPEZIALE G, NASSO G, BARATTONI MC, et al. Operative and middle-term results of cardiac surgery in nonagenarians. A bridge toward routine practice. Circulation 2010; 121:208-13
- ZINGONE B, GATTI G, RAUBER E, et al. Early and late outcomes of cardiac surgery in octogenarians. Ann Thorac Surg 2009; 87:71-8
11. Anesthésie et valvulopathies
- 11.1 Introduction : prévalence et risques des valvulopathies
- 11.2 Rappel physiopathologique général
- 11.3 Imagerie valvulaire
- 11.4 Situations particulières
- 11.5 Chirurgie valvulaire
- 11.6 Insuffisance mitrale
- 11.6.1 Etiologie de l'insuffisance mitrale
- 11.6.2 Physiopathologie
- 11.6.3 Manifestations cliniques
- 11.6.4 Echocardiographie de l'insuffisance mitrale
- 11.6.5 Indications et résultats opératoires
- 11.6.6 Principes pour l'anesthésie
- 11.6.7 CEC et post CEC
- 11.6.8 IM primaire sur maladie de Barlow
- 11.6.9 IM secondaire sur ischémie myocardique
- 11.6.10 IM secondaire sur défaillance du VG
- 11.7 Sténose mitrale
- 11.8 Sténose aortique
- 11.8.1 Nosologie
- 11.8.2 Physiopathologie
- 11.8.3 Manifestations cliniques
- 11.8.4 Echocardiographie de la sténose aortique
- 11.8.5 Indications et résultats opératoires
- 11.8.6 Principes pour l'anesthésie en chirurgie cardiaque
- 11.8.7 CEC et post-CEC
- 11.8.8 Sténose sous-aortique dynamique
- 11.8.9 Anesthésie pour la chirurgie non-cardiaque
- 11.9 Insuffisance aortique
- 11.10 Maladie aortique
- 11.11 Pathologie tricuspidienne
- 11.12 Pathologie de la valve pulmonaire
- 11.13 Polyvalvulopathies
- 11.14 Conclusions