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Nosologie
La sténose mitrale représente environ 10% des valvulopathies de l’adulte (prévalence 0.1-0.2%). Elle est causée essentiellement par le rhumatisme articulaire aigu (RAA) et la dégénérescence calcifiante. Alors que le RAA en reste la première cause dans les pays en voie de développement, la dégénérescence calcifiante devient une étiologie majeure dans les nations industrialisées; son incidence augmente avec l'âge [4,5]. Les autres origines sont rares : endocardite, affection congénitale (valve parachute), substances toxiques (méthysergide), maladies systémiques, myxome auriculaire, métabolisme anormal de la sérotonine [2]. Au cours du RAA et de la dégénérescence calcifiante, les remaniements subis par les structures sont tels que la sténose pure est peu fréquente (25-40% des cas) et qu’elle est le plus souvent accompagnée d’un certain degré d’insuffisance. Bien que la mitrale soit la valve la plus fréquemment touchée, le RAA peut aussi atteindre la valve aortique.
Anatomiquement, la sténose mitrale du RAA est caractérisée par une fusion commissurale et un épaississement de la partie distale des deux feuillets; la partie centrale du feuillet antérieur garde en général une certaine souplesse. Des calcifications secondaires sont fréquentes chez les patients les plus âgés. Typiquement, l’appareil sous-valvulaire est aussi touché par la maladie: les cordages sont épaissis, fusionnés et raccourcis. Il arrive que la fibrose et les calcifications envahissent la partie basale du myocarde ventriculaire et y altèrent la cinétique segmentaire. Les femmes sont atteintes trois fois plus fréquemment que les hommes [1,3]. La dégénérescence calcifiante de la valve mitrale est une progression dans les feuillets de la calcification de l'anneau mitral (MAC mitral annular calcification). Cette pathologie est liée à la calcification vasculaire généralisée rencontrée dans l'athéromatose avancée, dans la sténose aortique et dans l'insuffisance rénale de la sénescence [4].
La silhouette cardiaque de la sténose mitrale pure est typique ; à elle seule, elle résume toute la pathologie (Figure 11.86).
- L’oreillette gauche est très dilatée: sa paroi est mince, l’appendice auriculaire est distendu ; le septum interauriculaire bombe dans l’OD ; le débit très lent augmente le risque de thrombus.
- Le ventricule gauche est petit : de configuration et de fonction le plus souvent normales, la masse myocardique est diminuée ; le volume télédiastolique est bas.
- La valve mitrale est épaissie, rétractée, peu mobile, plus ou moins calcifiée ; l’appareil sous-valvulaire est restrictif, certains cordages sont fusionnés.
- La taille des cavités droites est fonction du degré d’hypertension pulmonaire : hypertrophie et dilatation du VD, insuffisance tricuspidienne et dilatation de l’OD ; le septum interventriculaire bombe dans le VG en diastole et représente une gêne supplémentaire au remplissage de ce dernier.
Figure 11.86 : Silhouette des chambres cardiaques dans la sténose mitrale. A : le VG est petit et l’OG est dilatée, les feuillets de la valve et l’appareil sous-valvulaires sont épaissis et rétractés. B : la stase d’amont a induit une hypertension pulmonaire postcapillaire qui est responsable d’une dilatation du VD ; une insuffisance tricuspidienne (IT) secondaire est presque toujours présente. Le septum interventriculaire bombe dans le VG (flèche) et en diminue encore le remplissage diastolique. Ce déplacement du septum survient à un moindre degré en l’absence d’hypertension pulmonaire, parce que le remplissage du VG est plus rapide que celui du VD. En cas d’insuffisance mitrale ou aortique associée, le VG conserve une taille plus proche de la norme, voire subit une certaine dilatation.
L’échocardiographie démontre cette silhouette particulière de petit VG et grande OG (Vidéo).
Vidéo: Vue 4-cavités typique d'une sténose mitrale sur RAA; les feuillets mitraux sont fusionnés aux commissures et s'ouvrent peu, mais leur partie centrale reste souple; le VG est petit alors que l'OG est gigantesque.
La fusion commissurale immobilise les bords libres de la valve et rétrécit son ouverture (Figure 11.87) (St Mitr fus comm) ; cette déformation prend l’allure d’un cône plongeant dans le VG (Figure 11.88) (Vidéos).
Vidéo: Fusion commissurale dans une sténose mitrale.
Vidéo: Vue tridimensionnelle depuis le VG d'une sténose mitrale sévère; la valve prend la forme d'un cône plongeant dans le ventricule; son ouverture en diastole n'est qu'une fente.
Comme la rigidité de la valve l’empêche de se refermer normalement, l’insuffisance est fréquente. En cas d’IM significative, le VG conserve une taille plus normale, ce qui est un avantage fonctionnel.
Vidéo: Vue 4-cavités typique d'une sténose mitrale sur RAA; les feuillets mitraux sont fusionnés aux commissures et s'ouvrent peu, mais leur partie centrale reste souple; le VG est petit alors que l'OG est gigantesque.
La fusion commissurale immobilise les bords libres de la valve et rétrécit son ouverture (Figure 11.87) (St Mitr fus comm) ; cette déformation prend l’allure d’un cône plongeant dans le VG (Figure 11.88) (Vidéos).
Vidéo: Fusion commissurale dans une sténose mitrale.
Vidéo: Vue tridimensionnelle depuis le VG d'une sténose mitrale sévère; la valve prend la forme d'un cône plongeant dans le ventricule; son ouverture en diastole n'est qu'une fente.
Comme la rigidité de la valve l’empêche de se refermer normalement, l’insuffisance est fréquente. En cas d’IM significative, le VG conserve une taille plus normale, ce qui est un avantage fonctionnel.
Figure 11.87 : Sténose mitrale (SM) lors de RAA (images ETO). A : vue 4-cavités ; l’OG est gigantesque, le VG est petit ; la fusion commissurale retient les feuillets en diastole et l’ouverture (flèche) est minime. B : fusion commissurale très serrée des deux feuillets. C : le corps du feuillet antérieur, resté souple dans le RAA, bombe dans l’OG en systole. D : le corps du feuillet antérieur bombe dans le VG en diastole (déformation en canne de hockey).
Figure 11.88 : Images échocardiographiques 3D de sténose mitrale. A : vue depuis l’OG ; l’ouverture est au fond d’un cône à cause de la fusion des commissures (flèche simple), en dessous du plan de l’anneau (double flèche). B: vue auriculaire d'une sténose mitrale; l'ouverture est une fente limitée par les fusions commissurales. C : vue depuis le VG ; la valve est déformée en cône, l’ouverture n’est plus qu’une fente. D: vue depuis le VG de la sténose secondaire d'une bioprothèse mitrale dont on reconnaît la forme triangulaire.
La surface mitrale normale est de 4 à 6 cm2, et son gradient est minime (≤ 4 mmHg). Le rétrécissement est divisé en trois degrés (Tableau 11.11):
- Sténose mineure: surface de 1.6 - 2.0 cm2, le patient est asymptomatique.
- Sténose modérée: surface de 1.0 - 1.5 cm2, gradient moyen de 5-11 mmHg, PAPsyst 30-50 mmHg ; la symptomatologie n’apparaît qu’à l’effort.
- Sténose sévère: surface < 1.0 cm2 (< 0.6 cm2/m2), gradient moyen ≥ 12 mmHg, PAPsyst > 50 mmHg au repos ; la POG nécessaire à maintenir le débit cardiaque au repos est ≥ 20 mmHg ; en général, la symptomatologie est présente au moinde effort ou déjà au repos.
Une surface mitrale inférieure à 0.4 cm2 n'est pas compatible avec la survie.
Sténose mitrale |
Définition des degrés de la sténose mitrale :
- Sténose mineure surface 1.6 – 2.0 cm2 ΔPmoy < 5 mmHg
- Sténose modérée surface 1.0 – 1.5 cm2 ΔPmoy 6-11 mmHg
- Sténose serrée surface < 1 cm2 (0.6 cm2/m2) ΔPmoy > 12 mmHg
Etiologie : essentiellement RAA ou dégénérescence calcifiante, caractérisés par :
- Fusion commissurale, épaississement distal des feuillets, calcifications secondaires
- Fusion et restriction de l’appareil sous-valvulaire
- Dilatation majeure de l’OG, VG de taille petite ou normale
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© CHASSOT PG, BETTEX D, Août 2011, dernière mise à jour Août 2018
Références
- BONOW RO, BRAUNWALD E. Valvular heart disease. In: ZIPES DP, et al, eds. Braunwald’s heart disease. A textbook of cardiovascular medicine. 7th edition. Philadelphie: Elsevier Saunders, 2005, 1553-632
- BRAUNWALD E. Valvular heart disease. In: BRAUNWALD E. ed. Heart disease. Philadelphia, WB Saunders Co, 1997, 1007-76
- NKOMO VT, GARDIN JM, SKELTON TN, et al. Burden of valvular heart diseases: a population-based study. Lancet 2006; 368:1005-11
- SUD K, AGARWAL S, PARASHAR A, et al. Degenerative mitral stenosis. Unmet need for percutaneous interventions. Circulation 2016; 133:1594-604
- YAU TM, EL-GHONEIMI, ARMSTRONG S, et al. Mitral valve repair and replacement for rheumatic disease. J Thorac Cardiovasc Surg 2000; 119:53-60
11. Anesthésie et valvulopathies
- 11.1 Introduction : prévalence et risques des valvulopathies
- 11.2 Rappel physiopathologique général
- 11.3 Imagerie valvulaire
- 11.4 Situations particulières
- 11.5 Chirurgie valvulaire
- 11.6 Insuffisance mitrale
- 11.6.1 Etiologie de l'insuffisance mitrale
- 11.6.2 Physiopathologie
- 11.6.3 Manifestations cliniques
- 11.6.4 Echocardiographie de l'insuffisance mitrale
- 11.6.5 Indications et résultats opératoires
- 11.6.6 Principes pour l'anesthésie
- 11.6.7 CEC et post CEC
- 11.6.8 IM primaire sur maladie de Barlow
- 11.6.9 IM secondaire sur ischémie myocardique
- 11.6.10 IM secondaire sur défaillance du VG
- 11.7 Sténose mitrale
- 11.8 Sténose aortique
- 11.8.1 Nosologie
- 11.8.2 Physiopathologie
- 11.8.3 Manifestations cliniques
- 11.8.4 Echocardiographie de la sténose aortique
- 11.8.5 Indications et résultats opératoires
- 11.8.6 Principes pour l'anesthésie en chirurgie cardiaque
- 11.8.7 CEC et post-CEC
- 11.8.8 Sténose sous-aortique dynamique
- 11.8.9 Anesthésie pour la chirurgie non-cardiaque
- 11.9 Insuffisance aortique
- 11.10 Maladie aortique
- 11.11 Pathologie tricuspidienne
- 11.12 Pathologie de la valve pulmonaire
- 11.13 Polyvalvulopathies
- 11.14 Conclusions