Step 4 of 5
Autres combinaisons
Insuffisance aortique et insuffisance mitrale
Cette combinaison est fréquente. Le plus souvent l’insuffisance aortique est la lésion majeure, car l’IA représente une surcharge de volume à haute pression (PAdiast), alors que l’IM est une surcharge de volume à basse pression (POD). La dilatation du VG est un phénomène grave qui entraîne une dysfonction sévère, alors que celle de l’OG est bénigne. D’autre part, l’IM peut être secondaire à la dilatation du VG sur l’IA (IM fonctionnelle). La fraction régurgitée globale élevée oblige à un volume circulant augmenté et à une hypertrophie dilatative du VG. La dysfonction ventriculaire est habituellement sérieuse et le risque de défaillance après RVA + RVM est considérable [2]. L'augmentation de la pression intraventriculaire diastolique par l'IA conduit à une fermeture prématurée de la valve mitrale lorsque celle-ci est normale; ce phénomène, qui réduit l'impact de l'IA, n'a plus lieu lorsque la mitrale est elle aussi insuffisante. Les conditions hémodynamiques idéales pour chacune des lésions sont assez voisines, quelle que soit la lésion dominante. Le débit antérograde dépendant des résistances périphériques; il augmente si la postcharge est basse.
Les valves cardiaques peuvent être lésées par certains médicaments qui induisent une fibrose et une rétraction des feuillets, notamment l’adriamycine, le méthysergide, l’ergotamine, le pergolide et certains anorexigènes (fenfluramine, phentermine, aminorex, benfluorex). L’atteinte valvulaire conduit à des insuffisances, le plus souvent aortique mais aussi mitrale, accompagnées de régurgitation tricuspidienne.
Des régurgitations valvulaire minimes (degré I) sont fréquentes dans la population normale, particulièrement à partir de 60 ans. Au-delà de 65 ans, leur incidence dans une population occidentale normale est de 11% pour la valve aortique, de 48% pour la valve mitrale et de > 75% pour la valve tricuspide [4,5]. Elles sont sans signification clinique et ne nécessitent aucune couverture antibiotique prophylactique.
La découverte d'une IM chez un patient subissant un remplacement valvulaire aortique (RVA) pose la question de sa gravité et de son origine [3].
- IM structurelle sévère: la plastie ou le remplacement simultané est habituellement recommandé.
- IM fonctionnelle: lorsqu'elle est secondaire à la dilatation du VG, l'IM tend à diminuer avec la taille du ventricule après le RVA, mais elle aggrave la mortalité de l'opération lorsqu'elle est sévère (30% des cas). Lorsqu'elle est modérée ou modérée-à-sévère, elle augmente le risque de défaillance ventriculaire postopératoire. Dans les IM secondaires modérées-à-sévères, une simple annuloplastie de réduction est une possibilité si le risque opératoire est faible ou intermédiaire, car elle n'augmente pas la morbi-mortalité périopératoire [1]. La chirurgie est recommandée dans les IM sévères (classe IIa) [4].
Hémodynamique recherchée en cas d’insuffisances aortique et mitrale |
A équivalence de sévérité, l’IA est la composante la plus grave
Conditions optimales voisines pour les deux insuffisances
Précharge élevée
Fréquence élevée
Contractilité maintenue
RAS basses
RAP normales
|
Insuffisance aortique et sténose mitrale
Cette combinaison impose des conditions de précharge opposées au VG. Elle présente l'avantage de maintenir des dimensions ventriculaires gauches satisfaisantes: à défaut de remplissage diastolique antérograde (sténose mitrale), le VG se remplit par le reflux aortique et conserve un volume adéquat. D'autre part, sa dilatation est réduite par le faible apport de volume via la mitrale. L'augmentation massive du volume systolique et de la pression pulsée typiques de l'IA est absente.
L'évaluation et les manifestations cliniques préopératoires doivent permettre de déterminer quelle est la lésion la plus significative hémodynamiquement; en général, il s’agit de la sténose mitrale. A l’échocardiographie, la dimension du VG (petit en cas de sténose mitrale, agrandi en cas d’insuffisance aortique), celle de l’OG (immense en cas de sténose mitrale), et les flux Doppler à travers les deux valves apportent une réponse plus pertinente que la symptomatologie, qui est en général dominée par la lésion proximale, laquelle masque l’importance de la lésion distale. Toutefois, le calcul de la surface mitrale par le temps de demi-pression (Pt1/2) est faussé par le remplissage simultané du VG par l’IA ; seule la planimétrie (si possible en 3D) permet une mesure précise. L’indication opératoire est en général fondée sur la présence d’une hypertension pulmonaire.
Hémodynamique recherchée en cas d’insuffisances aortique et de sténose mitrale |
A équivalence de gravité, la sténose mitrale prédomine
Précharge élevée
Fréquence normale (éviter la tachycardie)
Contractilité maintenue
RAS basses
RAP basses (HTAP fréquente)
|
Sténose aortique et sténose mitrale
Ici aussi, l'effet hémodynamique de la sténose mitrale domine le tableau, car elle est le premier barrage rencontré par le flux sanguin. La symptomatologie est dominée par la stase et l’hypertension pulmonaires. Le ventricule gauche est petit, peu compliant et présente une hypertrophie concentrique. Le débit cardiaque est bas, sans possibilité réelle d’être augmenté; le volume systolique est fixe et bas. La sténose aortique est de ce fait facilement sous-estimée par la mesure des gradients systoliques transvalvulaires (situation de bas débit / bas gradient).
L’origine de la double sténose est en général rhumatismale. Dans la dégénérescence calcifiée, la sténose aortique domine le tableau ; la sténose mitrale est moins importante. Elle est caractérisée par une calcification de l'anneau mitral et de la base des feuillets, et est en général accompagnée d'une IM de degré variable. Alors qu’un double remplacement valvulaire est nécessaire dans le RAA, la situation est plus complexe dans la dégénérescence calcifiée. En effet, il s'agit le plus souvent de personnes âgées chez lesquelles une double intervention présente un risque excessif. Il est habituellement possible de se contenter d’un RVA si la valve mitrale présente des lésions modérées ou peu sévères. La levée provisoire de l'obstacle mitral par une commissurotomie percutanée au ballon est possible dans le RAA (non dans la maladie calcifiante), mais ce traitement est dangereux si l'obstacle aortique n'est pas supprimé au préalable, à cause de la brusque augmentation de précharge sur un VG restrictif et peu compliant qui va devenir immédiatement congestif [7].
Hémodynamique recherchée en cas de sténoses aortique et mitrale |
Précharge élevée
Fréquence basse
Contractilité maintenue
RAS élevées (car VS fixe et bas)
RAP basses (HTAP fréquente)
Post-CEC : le volume systolique reste très limité
|
Valvulopathie gauche et insuffisance tricuspidienne
Cette combinaison traduit la présence d’une dilatation de l'anneau tricuspidien par surcharge droite sur une hypertension pulmonaire importante. Si l’IT est mineure ou modérée et la valve tricuspide de configuration normale, la baisse de l’HTAP avec la correction de la valvulopathie gauche suffit à diminuer l’insuffisance tricuspidienne. Par contre, la présence d'une IT modérée-à-sévère ou sévère augmente la mortalité à long terme de la correction gauche. Il est donc préférable de corriger simultanément l'IT dans les situations suivantes [6]:
- IT sévère et symptomatique;
- IT sévère sur pathologie organique de la tricuspide (RAA, prolapsus, endocardite, etc);
- IT modérée-à-sévère avec dilatation de l’anneau tricuspidien (D > 4.0 cm à l'écho) et/ou défaillance du VD;
- IT modérée si dilatation de l'anneau, défaillance du VD et/ou HTAP majeure (classe IIa).
Dans ces conditions en effet, l’IT traduit une maladie tricuspidienne évolutive qui s’aggravera progressivement et péjorera le pronostic du malade. Elle impose une correction simultanée à l’intervention sur la valve gauche (en général annuloplastie) [4].
Valvulopathie gauche et insuffisance tricuspidienne |
La prise en charge est dominée par les contraintes de la valvulopathie gauche et par celles de l'éventuelle insuffisance ventriculaire droite.
Indications à une plastie tricuspidienne simultanée:
- IT sévère symptomatique (primaire ou secondaire)
- IT sévère avec dilatation de l'anneau tricuspidien (symptomatique ou non)
- IT modérée si dilatation de l'anneau, défaillance du VD et/ou HTAP majeure
|
© CHASSOT PG, BETTEX D, Août 2011, dernière mise à jour Novembre 2019
Références
- CONTINHO GF, COREIRA PM, PANCAS R, et al. Management of moderate secondary mitral regurgitation at the time of aortic valve aurgery. Eur J Cardio-Thorac Surg 2013; 44:32-40
- GENTLES TL; FINUCANE AK, REMENYI B, et al. Ventricular before and after surgery for isolated and combined regurgitation in the young. Ann Thorac Surg 2015; 100:1383-9
- MALHOTRA A, RAMAKRISHNA H, GUTSCHE JT, et al. Options for incidental mitral regurgitation found during aortic valve surgery for aortic regurgitation: an evidence-based clinical update for the perioperative echocardiographer. J Cardiothorac Vasc Anesth 2016; 30:555-60
- NISHIMURA RA, OTTO CM, BONOW RO, et al. 2014 AHA/ACC Guideline for the management of patients with valvular heart disease. Circulation 2014; 129:e521-e643
- OH JK, SEWARD JB, TAJIK AJ. The echo manual. 3rd edition. Philadelphia, Lippincott Williams & Wilkins, 2006, 189-242
- TARAMASSO M, VANERMEN H, MAISANO F, et al. The growing clinical importance of secondary tricuspid regurgitation. J Am Coll Cardiol 2012; 59:703-10
- UNGER P, CLAVEL MA, LINDMAN BR, et al. Pathophysiology and management of multivalvular disease. Nat Rev Cardiol 2016; 13:429-40
11. Anesthésie et valvulopathies
- 11.1 Introduction : prévalence et risques des valvulopathies
- 11.2 Rappel physiopathologique général
- 11.3 Imagerie valvulaire
- 11.4 Situations particulières
- 11.5 Chirurgie valvulaire
- 11.6 Insuffisance mitrale
- 11.6.1 Etiologie de l'insuffisance mitrale
- 11.6.2 Physiopathologie
- 11.6.3 Manifestations cliniques
- 11.6.4 Echocardiographie de l'insuffisance mitrale
- 11.6.5 Indications et résultats opératoires
- 11.6.6 Principes pour l'anesthésie
- 11.6.7 CEC et post CEC
- 11.6.8 IM primaire sur maladie de Barlow
- 11.6.9 IM secondaire sur ischémie myocardique
- 11.6.10 IM secondaire sur défaillance du VG
- 11.7 Sténose mitrale
- 11.8 Sténose aortique
- 11.8.1 Nosologie
- 11.8.2 Physiopathologie
- 11.8.3 Manifestations cliniques
- 11.8.4 Echocardiographie de la sténose aortique
- 11.8.5 Indications et résultats opératoires
- 11.8.6 Principes pour l'anesthésie en chirurgie cardiaque
- 11.8.7 CEC et post-CEC
- 11.8.8 Sténose sous-aortique dynamique
- 11.8.9 Anesthésie pour la chirurgie non-cardiaque
- 11.9 Insuffisance aortique
- 11.10 Maladie aortique
- 11.11 Pathologie tricuspidienne
- 11.12 Pathologie de la valve pulmonaire
- 11.13 Polyvalvulopathies
- 11.14 Conclusions