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Principes pour l'anesthésie
Le VG fonctionne à très haut volume de remplissage et souffre d’une surcharge de volume et de pression. La fraction régurgitée augmente lorsque les résistances artérielles systémiques s’élèvent et lorsque la durée de la diastole se prolonge. L’anesthésie devra contrer ces phénomènes.
- Précharge: elle doit rester élevée pour compenser le volume régurgité et maintenir le VG sur la partie haute de la courbe de Starling, mais tout excès augmente la tension de paroi, donc secondairement la postcharge protosystolique. La marge de manœuvre est faible, car l’hypovolémie et l’hypervolémie sont mal supportées.
- Postcharge: la baisse des RAS est doublement importante :
- L’IA diminue si la PAdiast baisse;
- L’éjection du VG est améliorée si la PAsyst baisse.
- La vasodilatation artérielle systémique est le mieux assurée par l’isoflurane, un alpha-bloqueur (phentolamine, hydralazine) et/ou le nitroprussiate; de plus, tous trois sont tachycardisants. Les anticalciques sont déconseilllés (effet inotrope et chronotrope négatifs). En cas d’hypotension systémique, l’éphédrine (effets α veineux et β) et le volume (perfusions) sont adéquats, mais la phényléphrine est contre-indiquée car elle a un effet alpha pur et provoque une bradycardie réflexe. En diminuant les RAS, éviter une hypotension diastolique excessive qui compremettrait la perfusion coronarienne, notamment s’il existe des signes d’ischémie ; rechercher empiriquement le meilleur compromis pour chaque cas particulier.
- Contractilité: elle doit être maintenue ou améliorée. Les agents de choix sont des amines à effet β pur (dobutamine, isoprénaline) et des inodilatateurs comme les anti-phosphodiestérases-3 (milrinone) ou le levosimendan. Le β-blocage est contre-indiqué en peropératoire et dans les situations aiguës, mais il est souvent prescrit à faible dose dans le traitement chronique des IA accompagnées d’un anévrysme de l’aorte ascendante. La FE ne traduit pas la fonction systolique réelle à cause des contraintes de charge très spéciales ; la dimension télésystolique du VG est un meilleur critère : le VG est dysfonctionnel lorsque son diamètre télésystolique est > 2.5 cm/m2.
- Fréquence: la tachycardie raccourcit la diastole, donc diminue le temps de régurgitation, le volume régurgité par diastole, le Vtd et la Ptd du VG; la perfusion coronaire est améliorée. La fréquence idéale voisine 80 batt/minute; il est l’essentiel d’éviter la bradycardie. Agents recommandés : isoflurane, pancuronium, éphédrine.
- Résistances pulmonaires: normales tant qu'il n'y a pas d'insuffisance mitrale ni de décompensation gauche.
- Ventilation en pression positive : elle est en général bien tolérée (baisse de la postcharge du VG) à condition que le retour veineux soit maintenu. Pour autant que la PAP soit normale, l’hyperventilation est à éviter, car l’hypocapnie induit une vasoconstriction systémique.
Technique d’anesthésie lors de RVA pour insuffisance aortique
- La technique d’induction dépend du degré de compensation/décompensation du VG.
- Etomidate : seul agent n’altérant ni la précharge, ni la postcharge, ni la contractilité, il est recommandé s’il existe une dysfonction ou une dilatation du VG.
- Midazolam : adéquat, la baisse du tonus sympathique central entraîne une diminution des RAS ; le risque est une légère bradycardie.
- Propofol : il baisse la précharge davantage que la postcharge ; possible à dosage adapté et lent chez les malades stables, en compensant par du volume ; à éviter en cas de défaillance du VG.
- Fentanils : administration lente à cause de la bradycardie ; fentanyl et sufentanil OK, mais rémifentanil déconseillé.
- Thiopental, kétamine : leur tachycardie serait bénéfique mais la baisse de contractilité (thiopental) et l’augmentation des RAS (kétamine) sont prohibitives.
- Eviter une poussée hypertensive à l’intubation avec une anesthésie topique du larynx et de la trachée.
- Curare : pancuronium.
- La bradycardie est le risque le plus dangereux.
- Maintien de l’anesthésie : rechercher la baisse des RAS et éviter la bradycardie.
- Isoflurane : agent de choix (↓ RAS et tachycardie) ; sevoflurane : peu d’effet sur les RAS.
- Perfusion de propofol ou de midazolam : adapter les dosages pour que l’hémodynamique reste stable.
- Desflurane : déconseillé (↑ RAS et RAP).
- IPPV ± PEEP (< 8 cm H2O) : bénéfique pour le VG pour autant que le retour veineux soit maintenu.
- Hypotension systémique : ↑ volume (perfusions), éphédrine ; pas de vasopresseur α.
- Eviter la bradycardie qui est le risque le plus dangereux.
- Diminuer les RAS (↓ IA), mais éviter une hypotension diastolique qui compremettrait la prefusion coronarienne, notamment s’il existe des signes d’ischémie.
- Soutenir la performance contractile.
- Dobutamine.
- Inodilatateur : milrinone (± adrénaline), levosimendan.
- Monitorage ETO.
- Taille et fonction du VG, degré de dilatation, cinétique segmentaire, fonction du VD.
- Evaluation de la volémie.
- Valve aortique : type de lésion, dilatation de la racine de l’aorte, possibilité de conserver la valve, faisabilité d’une plastie.
- Si IM : mécanisme.
- Post-CEC : fonctionnement de la prothèse, fuite paravalvulaire, contrôle de plastie, IA résiduelle, IM.
- Cathéter artériel pulmonaire : utile pour évaluer la PAPO et le VS effectif.
- PAPO : elle traduit la pression capillaire pulmonaire (stase), mais sous-estime la pression diastolique du VG (élevée) en cas de fermeture prématurée de la valve mitrale par la régurgitation aortique ; très utile pour évaluer la PPC en cas d’ischémie (PPC = PAM – PAPO).
- Mesure du VS antérograde, du DC systémique et de la SvO2 (adéquation aux besoins métaboliques).
- Mesure de la PAP si HTAP ou défaillance droite.
- ScO2 : évaluation de la perfusion périphérique.
- PiCCO™: la thermodilution transpulmonaire d'étalonnage est biaisée par l'IA.
Ces principes peuvent se résumer ainsi:
Hémodynamique recherchée en cas d’insuffisance aortique |
Précharge élevée
Tachycardie (fréquence 80-90 batt/min)
Vasodilatation systémique (↓ IA, ↓ postcharge VG)
Stimulation inotrope β (dobutamine) ou inodilatateur (milrinone)
Critère de dysfonction du VG : Dts > 2.5 cm/m2
IPPV : ↓ postcharge VG si retour veineux maintenu
Plein – Rapide – Ouvert
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© CHASSOT PG, BETTEX D, Août 2011, dernière mise à jour Novembre 2019
11. Anesthésie et valvulopathies
- 11.1 Introduction : prévalence et risques des valvulopathies
- 11.2 Rappel physiopathologique général
- 11.3 Imagerie valvulaire
- 11.4 Situations particulières
- 11.5 Chirurgie valvulaire
- 11.6 Insuffisance mitrale
- 11.6.1 Etiologie de l'insuffisance mitrale
- 11.6.2 Physiopathologie
- 11.6.3 Manifestations cliniques
- 11.6.4 Echocardiographie de l'insuffisance mitrale
- 11.6.5 Indications et résultats opératoires
- 11.6.6 Principes pour l'anesthésie
- 11.6.7 CEC et post CEC
- 11.6.8 IM primaire sur maladie de Barlow
- 11.6.9 IM secondaire sur ischémie myocardique
- 11.6.10 IM secondaire sur défaillance du VG
- 11.7 Sténose mitrale
- 11.8 Sténose aortique
- 11.8.1 Nosologie
- 11.8.2 Physiopathologie
- 11.8.3 Manifestations cliniques
- 11.8.4 Echocardiographie de la sténose aortique
- 11.8.5 Indications et résultats opératoires
- 11.8.6 Principes pour l'anesthésie en chirurgie cardiaque
- 11.8.7 CEC et post-CEC
- 11.8.8 Sténose sous-aortique dynamique
- 11.8.9 Anesthésie pour la chirurgie non-cardiaque
- 11.9 Insuffisance aortique
- 11.10 Maladie aortique
- 11.11 Pathologie tricuspidienne
- 11.12 Pathologie de la valve pulmonaire
- 11.13 Polyvalvulopathies
- 11.14 Conclusions