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Dispositifs à long terme
Vu le nombre limité de donneurs d’organes, les systèmes d’assistance ventriculaire à long terme deviennent peu à peu une alternative à la transplantation cardiaque. On estime à 15’000 le nombre de ces appareils implantés chaque année, chiffre qui va croissant avec le perfectionnement de la technologie [4,18]. Les indications des assistances de longue durée sont l’attente d’une greffe (bridge-to-transplant) ou de la récupération myocardique (bridge-to-recovery), et le soutien hémodynamique définitif lorsque ni l’un ni l’autre ne survient (destination therapy). Cette dernière catégorie pose évidemment des problèmes éthiques, logistiques et psychologiques majeurs, mais elle tend à devenir de plus en plus importante avec le manque de donneurs et le perfecionnement des dispositifs implantés [15].
La survie est d’autant meilleure que les autres systèmes (fonctions rénale, hépatique, hématologique) n’ont pas souffert. En cas d’assistance monoventriculaire gauche, la bonne fonction du VD et l’absence d’hypertension pulmonaire sont capitales. La sélection des patients est basée sur un certain nombre de critères [14,15,18].
- Thrombocytes > 150’000/mm3 ;
- INR < 1.2 ;
- PAPm < 25 mmHg (pour autant que la PAP basse ne soit pas due à une défaillance du VD) ;
- Albumine > 3.5 mg/dL ;
- Créatinine < 200 mcmol/L.
Récupération myocardique
L’inactivité du patient et la mise en décharge du VG par l’assistance peuvent conduire à l’atrophie du myocarde: en apesanteur, le VG perd 1% de sa masse par 24 heures. Mais de nombreuses études montrent maintenant que le ventricule subit un remodelage inverse (reverse remodeling) aussi bien dans sa structure mécanique que dans son fonctionnement biochimique et génomique [2,9,27].
- Diminution du stress de paroi ;
- Déplacement vers la gauche de la courbe pression-volume systolique et diastolique ;
- Régression de l’HVG ;
- Réduction de la fibrose et de l’apoptose ;
- Raccourcissement du potentiel d’action ;
- Augmentation de la force de contraction des myocytes ;
- Augmentation de la population des récepteurs β1 ;
- Activation de la libération et de la recapture du Ca2+ par le réticulum sarcoplasmique ;
- Activation de l’expression génique de la protéine G activatrice.
Ces observations sont pour l’instant limitées à 5-10% des cas en assistance à long terme ; seuls les patients souffrant de cardiomyopathie non-ischémique (myocardite virale, myocardite du peripartum, stunning, intoxication, par exemple) ont démontré une récupération fonctionnelle adéquate permettant l’ablation du dispositif d’assistance chez 35-70% des malades selon les pathologies [1,7,16]. Toutefois, une nouvelle piste se dessine avec l’utilisation du clenbutérol, un agoniste β2 prescrit dans la crise d’asthme, qui induit une hypertrophie des muscles squelettiques et des myocytes sans association de fibrose. Une étude récente démontre que sa prescription à haute dose chez les patients sous assistance permet le sevrage du dispositif après 1 année dans 30% des cas (41% des non-ischémiques), avec une récupération de la FE qui passe de 0.15 en pré-assistance à 0.58 un an après l’explantation [1]. Les critères d’explantation sont les suivants :
- Diamètre télédiastolique du VG ≤ 6.0 cm ;
- Diamètre télésystolique du VG < 5.0 cm ;
- PAPO ≤ 12 mmHg ;
- IC > 2.8 L/min/m2 ;
- VO2 > 16 mL/kg/min.
Systèmes pulsatiles
Les plus anciens coeurs artificiels (1ère génération) sont des systèmes électriques ou pneumatiques partiellement implantables qui produisent un flux pulsatile. Les systèmes pneumatiques (PVAD™ et IVAD™ de Thoratec, ExCor™ de BerlinHeart) et les systèmes électriques (HeartMate™ I XVE) sont tributaires d’une console externe qui contient le mécanisme de compression ou le moteur. Ces appareils sont dépendants d’une source de courant électrique, qui peut momentanément être remplacée par des batteries transportables, laissant ainsi une certaine mobilité au malade (autonomie : 20 minutes à 4 heures selon les modèles). Ils demandent en général une anticoagulation avec de l’héparine ou une dicoumarine (INR 2.5-3.5) et un antiplaquettaire (aspirine et/ou clopidogrel) ; ils sont sensibles aux interférences électro-magnétiques [20,22,31].
Les systèmes PVAD™ et IVAD™ (Thoratec Corp, Pleasanton, CA, USA) consiste en un boîtier contenant un sac en polyuréthane connecté à des valves mécaniques unidirectionnelles situées aux orifices d'entrée et de sortie. Le système reste à l’extérieur du corps (PVAD) ou est implanté dans la paroi abdominale (IVAD) ; il peut fonctionner pour un ou pour les deux ventricules. Il assure, par compression pneumatique, un volume systolique de 65 mL et un débit maximal de 6.5 L/min. Une console externe assure le fonctionnement moteur de l’air comprimé. En assistance gauche, le sang est prélevé par une canule placée à l’apex du VG et retourné au malade par une prothèse vasculaire anastomosée à l’aorte ascendante. En assistance droite, le sang est pompé par une canule dans l’OD et restitué par une prothèse vasculaire anastomosée à l’artère pulmonaire. L’appareil est conçu pour une assistance à moyen terme, avec une durée maximale d’environ 2 ans. Les patients doivent être anticoagulés (dicoumarine) et placés sous aspirine. Le système ExCor™ existe également sous une forme miniaturisée permettant son utilisation en pédiatrie (Figure 12.22).
Figure 12.22: Systèmes d’assistance mono- ou bi-ventriculaire. En assistance gauche, le sang est pompé à l’apex du VG et renvoyé dans l’aorte ascendante; en assistance droite, il est prélevé dans l’OD et renvoyé dans l’artère pulmonaire. A: Thoratec PVAD™; système pneumatique pulsatile dont les ventricules sont fixés à la paroi abdominale, les canules franchissant la peau. B: Thoratec IVAD™; il s’agit d’un système pulsatile implantable, dont les ventricules sont placés dans la paroi abdominale antérieure grâce à leur taille plus petite. C: HeartMate I XVE™ implantable dans la paroi abdominale; la pompe consiste en un sac en polyuréthane comprimé par une plaque mue électriquement (pusher-plate). Ces systèmes sont munis de valves.
D’autres appareils sont conçus pour le long terme, actuellement jusqu’à plus de cinq ans. Le système HeartMate™ I XVE (Thoratec Corp) délivre un flux pulsatile par compression d’une poche entre deux plaques mues électriquement ; le boîtier est implanté dans la paroi abdominale (Figure 12.22). Le sang est aspiré à l’apex du VG et renvoyé dans l’aorte ascendante par une prothèse vasculaire ; la direction du flux est assurée par des valves porcines. La surface interne est une texture de titane et de polyuréthane qui permet une endothélialisation de toute la surface en contact avec le sang ; cet avantage, couplé à l’utilisation de valves biologiques, permet une réduction de l'anticoagulation ; seuls des antiplaquettaires sont nécessaires [30,31]. La production de ce dispositif est en voie d’être interrompue [15].
La console de ces trois appareils permet différents réglages.
- La pression d’éjection doit être supérieure d’au moins 10 mmHg à la PAs du patient ;
- L’aspiration appliquée en diastole pour aider au remplissage de la poche ventriculaire est réglée entre – 25 et – 40 mmHg ;
- Le temps d’éjection est en moyenne de 300 msec.
Le Novacor™ N100 (WorldHeart, Oakland, CA, USA) consiste aussi en un boîtier rigide contenant un sac de polyuréthane comprimé par une plaque mue électriquement. Implanté dans la paroi abdominale, il est monté sur deux canules valvées connectées à l'apex du VG et à l'aorte ascendante. Ce système requiert une anticoagulation complète (coumadine pour INR 3.0). Certains systèmes comme le LionHeart LVD-2000™ (Arrow International, USA) sont totalement implantables ; l’énergie est fournie par voie transcutanée à des batteries implantées dans le sous-cutané ; aucune voie ne traverse la peau, ce qui réduit le risque infectieux. Le système peut assurer un débit de 8 L/min avec un volume systolique de 64 ml [20]. Ces deux dispositifs sont actuellement abandonnés.
Une assistance ventriculaire fonctionne correctement pour autant que sa précharge soit satisfaisante. Les systèmes pulsatiles peuvent opérer selon deux modes différents.
- Fréquence fixe (fixed-rate) : quel que soit le volume diastolique, la pompe éjecte à une fréquence constante, réglée par avance (mode par défaut : environ 40 pulsations/min) ; le volume systolique varie.
- Précharge-dépendant (fill-to-empty) : la chambre ventriculaire déclenche l’éjection dès que son capteur détecte qu’elle est pleine (en général 90% du volume maximal) ; ce mode est dit automatique. Il s’adapte aux besoins du patient en fonction de son retour veineux, mais en cas d’hypovolémie, la fréquence de l’assistance baisse et le débit cardiaque diminue.
Ces modes ne sont pas synchrones avec le rythme cardiaque du malade. Sur le plan hémodynamique, l'assistance de ces pompes se manifeste sur la courbe artérielle par une augmentation systolique périodique déphasée par rapport au rythme cardiaque du patient, sur laquelle s'ajoute la faible pulsation fournie éventuellement par la systole ventriculaire du malade (Figure 12.23).
Figure 12.23: Courbe de pression artérielle lors d'une assistance ventriculaire avec une pompe de type Thoratec IVAD™. Le rythme de la pompe est indépendant de celui du malade, et correspond à environ un tiers de son rythme propre. Le volume éjecté est supérieur à celui du coeur du malade.
Ces dispositifs sont encombrants et doivent être implantés par sternotomie, en général sous CEC. Toutefois, ils préservent la pusatilité du flux et sont moins thrombogènes que les systèmes à flux continu [6].
Systèmes à flux continu
Ces systèmes sont mûs par une turbine axiale (HeartMate™ II de Thoratec, Jarvik 2000™, HeartAssist 5™ de MicroMed, InCor™ de BerlinHeart) ou une pompe centrifuge (HeartMate™ III, DuraHeart™, Evaheart™, HeartAssist-5™, HVAD™ et MVAD™); le dernier modèle (HeartAssist-5™) fournit un monitorage à distance connecté directement à un iPhone. Environ 50'000 de ces dispositifs ont été implantés à ce jour. Le sang est pris à l'apex du VG et retourné à l’aorte ascendante ou descendante par une prothèse tubulaire (Figure 12.24).
Figure 12.24: Systèmes à flux continu qui apirent le sang à l’apex du VG et le renvoient dans l’aorte thoracique au moyen d’une petite turbine à hélice mue électriquement et située dans l’axe du flux; un câble percutané relie la pompe à la source d’énergie et au système de commande. A et B: HeartMate II™ (Thoratec Corp, Pleasanton, CA, USA). C: MicroMed De Bakey™ (MicroMed Cardiovascular Inc, Houston, TX, USA); la petite taille de cette pompe lui permet d’être installée à l’intérieur du péricarde. D: Jarvik 2000™ (Jarvik Heart Inc, New York, USA); la pompe est intraventriculaire, et le sang est retourné dans l’aorte descendante.
Les pompes les plus récentes sont actionnées par une turbine co-axiale (InCor™, HeartMate™ II) ou une pompe centrifuge (HeartMate™ III, HVAD™ et MVAD™ de HeartWare) suspendue dans le boîtier par lévitation magnétique et mue par un champ électro-magnétique; il n'existe ainsi aucune partie fixe immobile dans le flux sanguin. Certaines disposent également d'un système de transfert d'énergie sans fil transcutané, ce qui diminue considérablement les risques infectieux liés à l'alimentation électrique (Figure 12.25A) [25]. Les dispositifs centrifuges à lévitation magnétique affichent une certaine supériorité par rapport aux turbines co-axiales: meilleure survie à 2 ans sans réopération (79.5% versus 60.2%, HR 0.46) et moindre risque d'AVC (10.1% versus 19.2%) [17].
Figure 12.25A: Systèmes à flux continu de nouvelle génération. Il s’agit de pompes centrifuges à lévitation magnétique sans axes ni pivots, ce qui réduit considérablement les problèmes mécaniques, l'hémolyse et le risque de thrombose. Le sang est aspiré dans l’axe de la turbine puis éjecté tangentiellement à celle-ci. L’énergie électrique pour le système d’électro-aimant est fournie par un câble percutané. 1: HeartMate III™ (Thoratec Corp, Pleasanton, CA, USA) 2: HVAD™ (HeartWare International Inc, Framingham, MA, USA). 3: Ecorché d'une pompe centrifuge à levitation magnétique.
Le débit assuré est de 5 à 10 L/min contre une pression artérielle de 100-150 mmHg, mais il est dépendant de la postcharge et de la précharge; cette dernière est conditionnée par le volume intravasculaire, la fonction du VD et la vitesse de rotation (effet aspiratif). La vitesse de rotation est de 8'000-15'000 tours/min dans les pompes axiales et de 3'000-5'000 tours/min dans les pompes centrifuges; le MVAD ™, qui est un dispositif miniaturisé avec un faible volume déplacé, tourne à 12'000-22'000 tours/min [27]. Pour le VG, la vitesse de rotation est ajustée pour obtenir le flux maximal sans effet de succion. Une vitesse trop basse fait courir un risque de thrombose et une vitesse trop élevée un risque d'hémolyse. Le débit dépend de la vitesse de rotation et du gradient de pression entre l'entrée et la sortie de la pompe. La consommation moyenne est de 15 W (10-25 W); elle représente la puissance développée par la machine, et présente une relation linéaire avec le débit (L/min) [5].
- Conditions qui demandent une augmentation de puissance: vitesse de rotation ou précharge élevées;
- Conditions qui abaissent la demande d'énergie: basse vitesse de rotation, précharge faible (hypovolémie), obstruction de la canule de vidange;
- La combinaison d'une forte puissance sans augmentation du débit ni de la vitesse de rotation signe un défaut de la machine ou une thrombose dans la pompe.
Alors que les systèmes centrifuges (HeartMate III™, MVAD™) mesurent le flux réel à la sortie de la pompe, les systèmes à turbine coaxiale (HeartMate II™, InCor™) le calculent à partir du nombre de tours/min et de la puissance développée (W); ce calcul est faussé en cas de thrombose lorsque la montée en puissance n'est plus liée à la précharge ni à la vitesse de rotation. Lors d'assistance droite, le dispositif est implanté sur la paroi antérieure ou la paroi inférieure du VD et la canule de sortie anastomosée à l'AP. Pour éviter le risque d'OAP par flux excessif, la vitesse de rotation est réduite à 2'400-3'800 tours/min; le flux est réglé en fonction de la PVC [27]. Comparé au système coaxial (HeartMate II™), le système centrifuge (HeartMate III™) diminue significativement le risque d'ictus (RR 0.23) et celui de réopération pour changemennt de pompe à 2 ans (RR 0.21) [19].
Lorsque le VG est complètement déchargé, la courbe artérielle est pratiquement plate, la PAs et la PAd sont les mêmes que la PAM. La fonctionnalité du VG se traduit par des crochetages surajoutés à cette courbe à chaque systole ; ceux-ci sont d’autant plus importants que le VG a une meilleure fonction ou que le débit de la pompe diminue. On décrit ainsi un indice de pulsatilité (IP), qui est la différence entre le flux maximal et le flux minimal divisé par le flux moyen (x 10). Cet indice est inversément proportionnel au débit de pompe mais directement lié à la précharge et à la fonction du VG. Un IP élevé indique une plus forte contribution de l'éjection du VG et une ouverture régulière de la valve aortique. Un indice abaissé signale une décharge complète du VG par un fort débit de pompe ou une akinésie totale du ventricule; dans ces conditions, la valve aortique ne s'ouvre plus. Idéalement, l'IP est de 3-6 [29]. Le gradient de pression à travers la pompe est la différence entre la pression de sortie et la pression d'entrée; il est d'autant plus faible que la précharge est haute et que la postcharge est basse, condition dans laquelle le débit de pompe est maximal. A l'inverse, le flux de la pompe diminue si le gradient de pression augmente. La précharge est limitée par le volume disponible dans le VG; si ce dernier est trop bas, un phénomène de succion apparaît, avec déplacement du septum interventriculaire vers la gauche et perte du soutien du VG pour le VD. La baisse de précharge est liée à l'hypovolémie, aux changements de position, à l'obstruction de la canule ou à l'insuffisance du VD, car la bonne fonction du VD est cruciale pour fournir le volume d'entrée à la pompe (Figure 12.25B) [3].
Figure 12.25B: Illustration schématique de la relation entre la pression d'entrée de la pompe (pression du VG, en bleu), de la pression de sortie (pression aortique, en rouge) et du flux de la pompe (en violet) à deux vitesses de rotation différentes de celle-ci (8'000 et 10'000 t/min) [d'après référence 3].
Les systèmes à flux continu, plus légers, plus simples et plus silencieux que les pompes pulsatiles, sont moins sujets à l’usure et aux pannes. Leur encombrement est faible, et ils peuvent être implantés chez des malade de petite taille. Un câble transcutané les relie à leur source d'énergie portable (autonomie 10-17 heures) et à un boîtier de commande/monitorage. Ils présentent cependant plusieurs inconvénients [24,27].
- Une malfonction induit un reflux qui équivaut à une insuffisance aortique aiguë, car il n’y a pas de valve dans le système.
- Comme ils génèrent une pression négative dans le VG, le ventricule peut collaber avec une brusque baisse de précharge (effet de succion) et un risque d’embolie gazeuse par aspiration d’air au niveau des sutures ; le risque est plus faible avec les systèmes centrifuges qu’avec les système co-axiaux. Typiquement, la pulsatilité disparaît, le système affiche une perte de puissance et le septum interventriculaire bombe dans le VG à l'échocardiographie. La parade consiste à réduire la vitesse de la pompe. Ce phénomène est d'autant plus fréquent que le VG est plus petit; ces systèmes sont donc préférentiellement indiqués dans les dilatations ventriculaires plutôt que dans les chocs cardiogènes sur infarctus [29].
- La valve aortique ne doit être ni insuffisante ni sténosée; si c'est le cas, on procède à un RVA lors de la pose de l'assistance [27].
- Le flux continu entraîne une stase au niveau de la valve aortique si celle-ci ne s’ouvre plus ; cela peut donner naissance à des thrombus, avec risque d’embolisation systémique. Pour pallier ce problème, le sysème Jarvik 2000 diminue automatiquement sa vitesse de rotation pendant 8 secondes toutes les minutes pour favoriser momentanément l’éjection par le VG; le HeartMate III modifie la sienne toutes les 2-5 secondes. La pression pulsée qui en résulte est de l'ordre de 10-15 mmHg [5]. La pulsatilité est mieux conservée avec les systèmes centrifuges qu’avec les système co-axiaux. Cette variation de débit n'est pas prise en compte dans l'index de pulsatilité.
- La décharge du VG est moins efficace qu’avec les systèmes pulsés ; le flux continu dans l’aorte occasionne une hausse de la postcharge lorsque le VG éjecte.
- L'incidence de thrombose dans la pompe, diagnostiquée par une augmentation de la puissance nécessaire à maintenir le débit, est moins fréquente avec les systèmes centrifuges (1-4%) qu'avec les sytèmes co-axiaux (10%) [18]. Le risque d'AVC reste élevé avec les deux dispositifs (19% et 10% respectivement, HR 0.47 en faveur du système centrifuge) [15,23]; il est inversement lié à l'efficacité de l'anticoagulation (aspirine 150 mg/j, agent antivitamine K pour INR entre 2.0 et 3.0), à la vitesse de rotation (≥ 9'000 t/min) et à la prévention de l'hypertension artérielle (PAM < 90 mmHg) [6].
- La non-pulsatilité ne gène pas le fonctionnement des organes, mais prédispose à la thrombose et au développement de malformations artério-veineuses hémorragipares dans le tube digestif (taux d'hémorragie digestive: 12%); cette angiodysplasie est due à une angionéogenèse excessive [21].
- Les complications hémorragiques sont fréquentes à cause de l'anticoagulation: l'incidence varie de 22% à 44%; les pertes sanguines d'origine digestive comptent pour moitié [3,6].
- L'hémolyse et le syndrome de Von Willebrand acquis sont plus rares avec les systèmes centrifuges qu'avec les autres types de pompes. L'hémolyse est diagnostiquée par un taux de lactate-déhydrogénase > 500 UI/L.
- Des modifications vasculaires sont engendrées par la dépulsation du flux artériel: altération de l'élasticité vasculaire et perte de compliance artérielle, perte cellulaire dans la média de l'aorte, dilatation aortique et insuffisance de la valve aortique [13].
- Toute assistance monoventriculaire gauche peut entraîner une décompensation droite dans environ 30% des cas (voir Anesthésie, Insuffisance droite aiguë).
Cette technique réduit encore le nombre de pièces en mouvement, donc l’usure et le risque de panne. Leur taux de complication est la moitié de celui des pompes pulsatiles [11]. Ces appareils ont une durée de vie probable d’une dizaine d’années; plusieurs porteurs de HeartMate II™ ont dépassé les 7 ans de survie.
Avec ces systèmes, la survie des malades est passée à ≥ 80% à 1 an et à 70% à 2 ans [6,8,11], et leur capacité fonctionnelle s’est améliorée : 80% des patients sont en classe NYHA I-II [24,26]. Bien que la réduction de la PAP soit plus importante avec les systèmes pulsatiles, les appareils à débit continu permettent une décompression immédiate comparable du VG ; de plus, ils maintiennent une fonction normale de tous les organes bien au-delà d’une année, malgré un flux complètement dépulsé. Il est par ailleurs intéressant de noter que la pulsatilité n’est nullement nécessaire à la perfusion des viscères, à la condition que le patient soit anticoagulé et que la vascularisation coronarienne soit assurée. Une comparaison du HeartMate XVE pulsatile et du HeartMate II à flux continu a démontré une survie doublée à 2 ans avec le second (24% et 58% respectivement) et un gain de 62% (OR 0.38) concernant les réopérations et les AVC [28]. Le risque hémorragique augmenté est en partie lié à une maladie de von Willebrand acquise (type IIa) occasionnée par le jet à haute vélocité qui sort de la pompe et qui abime les molécules du FvW, comme dans la sténose aortique serrée.
Ces différents systèmes doivent être implantés au cours d’une intervention par sternotomie ou par thoracotomie, avec ou sans CEC; les nouveaux modèles centrifuges sont suffisamment petits pour être logés dans le péricarde. Ils assurent maintenant, pour les meilleurs d’entre eux, plus de 80% de succès jusqu'à une transplantation, une survie à 1 an de 80% et une survie à 2 ans de 70%, chez des malades en insuffisance congestive terminale (NYHA IV) dont la mortalité à 1 an est supérieure à 60% (Figure 12.25C) [10,12,15]. Leurs contre-indications sont un thrombus intracavitaire, une insuffisance aortique, une sténose mitrale et un shunt intracardiaque [6].
Figure 12.25C: Survies comparées à 2 ans de la transplantation cardiaque, de l’assistance ventriculaire implantée (HeartMate II™) et du traitement médical optimal chez des malades au satde NYHA IV [d’après références 10 et 15]. A l’évidence, le pronostic des techniques invasives est meilleur que celui de la prise en charge conventionnelle.
La survie sous assistance a pratiquement doublé ces 15 dernières années, puisqu’elle n’était que de 52% à 1 an et de 23% à 2 ans en 2001 [26]. La durée moyenne de traitement hospitalier est de 120 jours à 2 ans, avec des supports circulatoires au-delà de 7 ans. La mécanique est maintenant fiable, puisque seuls 2% des appareils doivent être changés après 3 à 4 ans [11].
Remplacement total
La génération suivante est un cœur articificiel biventriculaire total pulsatile, implantable et définitif (destination therapy). Dans cette situation, la moindre panne entraîne le décès, puisque le cœur a été explanté. Pour l’instant trois modèles sont en essai clinique : CardioWest™ (SynCardia Systems Inc, Tucson, AZ, USA), Abiocor™ (Abiomed, Danvers, MA, USA), et Carpentier-CARMAT™ (Carmat, Villacoublay, France) (Figure 12.26).
Figure 12.26: Systèmes de remplacement total des deux ventricules après explantation du coeur dont on ne conserve que les oreillettes. A: système CardioWest™ (SynCardia Systems Inc, Tucson, AZ, USA); il consiste en 2 chambres sphériques en polyuréthane à compression pneumatique B: Abiocor™ (Abiomed, Danvers, MA, USA); le système consiste en 2 chambres cylindriques raccordées aux oreillettes par des valves mécaniques et mues par un système hydro-électrique: un diaphragme comprime alternativement chaque chambre ventriculaire. Tout le système est implanté, y compris une batterie, et l’énergie est fournie par un système transcutané sans fil. C: Coeur de Carmat (Carmat, Villacoublay, France); le système mime efficacement l’anatomie et l’autorégulation d’un coeur normal, mais en plus gros et plus lourd; il s’implante sur les oreillettes, l’artère pulmonaire et l’aorte du receveur; il possède quatre valves et un système de réglage hémodynamique informatisé très sophistiqué. Il est relié à l’extérieur par un câble d’alimentation (en bleu). Les surfaces sont hémocompatibles.
Le premier est un système pneumatique avec deux ventricules impantés in situ. Le deuxième consiste en deux chambres mues par un diaphragme qui les comprime alternativement ; l’une est en systole lorsque l’autre est en diastole. Le diaphragme est lui-même entraîné par un circuit hydraulique mis sous pression par une pompe centrifuge électrique. Le volume systolique est de 80 mL et le débit maximal de 9.6 L/min. Une connexion hydraulique entre les deux systèmes de pression droite et gauche ajuste le débit du "VD" en fonction de la POG : il augmente si la POG est basse et diminue si la POG est élevée. Le cœur de Carmat, qui possède un système sophistiqué d’autorégulation au moyen de senseurs dans les 4 cavités, a été implanté chez cinq patients jusqu’ici. Le premier et le deuxième sont décédés à 74 jours et à 9 mois d’une microfuite du circuit sanguin vers le liquide d’actionnement de la prothèse. Le troisième est décédé à 8 mois et demi d’insuffisance rénale sans dysfonction de la prothèse. Le quatrième est mort de complications médicales et le dernier est décédé un mois et demi après la greffe de cause non mentionnée par la société Carmat. Aucun n’a souffert de thrombose, prouvant ainsi l’hémocompatibilité des matériaux utilisés. Au vu de ces résultats, les essais cliniques ont été suspendus en automne 2016. Ils ont été réautorisés en mai 2017 après analyse de toutes les données et gestion des causes potentielles de panne. A cause de leurs dimensions, ces appareils sont conçus pour des adultes de grande taille (> 1.5 m2) dont on a explanté les ventricules. Un des progrès majeurs pour un cœur mécanique définitif est la technologie TETS (transcutaneous energy transfer system) qui supprime le câble conducteur d’énergie, dont le point de pénétration cutané est toujours source d’infection et dont l’inconfort est majeur pour le patient. Une batterie implantée assure un fonctionnement de secours pendant 15-30 minutes. A l’exception du cœur de Carmat, ces dispositifs réclament une anticoagulation (anti-vitamine K) et de l’aspirine. Avec environ 1'300 implantations chez l’homme, une survie jusqu'à la transplantation de 70% et une survie globale de 40% à 9-15 mois (la plus longue survie est de 832 jours avec un système CardioWest™), ces cœurs artificiels n’ont jamais passé au stade de la commercialisation. On s’est plutôt tourné vers les systèmes à flux continu (HeartMate™ II, HeartMate™ III, HVAD™ HeartWare), dont plus de 20'000 ont été implantés à long terme avec une mortalité à 1 an inférieure à 15% et une survie jusqu’à 8 ans [4]. De nouveaux dispositifs combinent deux pompes rotatives (SmartHear™, BiVACOR™) pour assurer un débit systémique et un débit pulmonaire.
Dispositifs d’assistance à long terme |
Ces systèmes sont prévus pour une assistance à moyen (2 ans) ou long terme (> 5 ans), en attente d’une transplantation (bridge-to-transplant), d’une récupération (bridge-to-recovery) ou comme traitement définitif (destination therapy). Seuls les patients souffrant de lésions réversibles (myocardite virale, stunning, intoxication) peuvent être explantés après récupération fonctionnelle. Mais des observations récentes démontrent un remodelage positif du VG sous assistance, qui permettrait un sevrage à long terme dans 5-10% des cas (jusqu'à 40% dans les cardiomyopathies non-ischémiques).
En assistance gauche, le sang est prélevé par une canule implantée à l’apex du VG et retourné à l’aorte ascendante par une prothèse vasculaire. En assistance droite, le sang est drainé depuis l’OD et renvoyé dans l’artère pulmonaire par une prothèse vasculaire. L’implantation nécessite en général une CEC.
Systèmes pulsatiles
- Thoratek PVAD® et IVAD® : boitiers pneumatiques externes ou implantés dans la paroi abdominale, valves mécaniques, console externe,
anticoagulation et antiplaquettaires
- HeartMate I XVE® : boitiers électriques implantés dans la paroi abdominale, surface endothélialisée, valves biologiques, console externe,
antiplaquettaires seuls
- Fonctionnement en fréquence fixe (VS variable) ou en mode automatique (fill-to-empty: systole déclenchée lorsque la poche ventriculaire
est pleine)
Systèmes à flux continu (plus simples, moins encombrants, donnant de meilleurs résultats à long terme malgré la dépulsation de la pression artérielle)
- Turbines (HeartMate II®, BerlinHeart®, Jarvik 2000®)
- Pompe centrifuge à lévitation magnétique (HeartMate III®)
Avec les dispositifs les plus récents, la survie est de ≥ 80% à 1 an, la majorité des patients passant en classe fonctionnelle NYHA I-II. Mais cette technologie reste grevée d'un fort taux de complications, principalement AVC, hémorragie, infection et thrombose.
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© BETTEX D, CHASSOT PG, Janvier 2008, dernière mise à jour, Novembre 2019
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12 Anesthésie et insuffisance ventriculaire
- 12.1 Introduction
- 12.2 Présentation clinique
- 12.3 Traitement de l'insuffisance ventriculaire
- 12.4 Assistance ventriculaire
- 12.4.1 Principes, indications et physiopathologie
- 12.4.2 Contre-pulsion par ballon intra-aortique (CPIA)
- 12.4.3 Extra-Corporeal Membrane Oxygenation (ECMO)
- 12.4.4 Dispositifs d’assistance ventriculaire à court terme
- 12.4.5 Dispositifs à long terme
- 12.4.6 Problèmes liés à une assistance ventriculaire
- 12.4.7 Rôle de l’échocardiographie dans l’assistance ventriculaire
- 12.4.8 Anesthésie et assistance ventriculaire
- 12.5 Hypertension pulmonaire
- 12.6 Anesthésie en cas d'insuffisance ventriculaire
- 12.6.1 Contraintes
- 12.6.2 Evaluation préopératoire
- 12.6.3 Stratégies d’anesthésie
- 12.6.4 Ventilation et insuffisance ventriculaire
- 12.6.5 Agents intraveineux et halogénés
- 12.6.6 Anesthésie générale du patient en insuffisance ventriculaire gauche
- 12.6.7 Anesthésie loco-régionale
- 12.6.8 Insuffisance droite et hypertension pulmonaire
- 12.6.9 La thrombendartérectomie pulmonaire (TEAP)
- 12.7 Conclusion