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Insuffisance droite et hypertension pulmonaire
Pour l’anesthésiste, le patient souffrant d’hypertension pulmonaire (HTP) présente plusieurs caractéristiques limitantes.
- Débit pulmonaire fixe ; lorsque le DC augmente sur une demande accrue en O2, le lit pulmonaire ne peut pas se dilater, le flux pulmonaire ne varie pas et le malade devient hypoxique. Seule la PAP augmente. Lors d’un test de réponse au volume (250 mL iv), la PVC s’accroît, la PAP s’élève de > 20 mmHg, alors que la PAPO reste < 15 mmHg [15].
- Hypertrophie ventriculaire droite ; plus il est hypertrophié, plus le VD fonctionne comme le VG, et son débit devient dépendant de sa précharge. Le patient est intolérant à l’hypovolémie.
- Dépendance de la pression systémique ; la postcharge du VG doit rester importante pour maintenir le septum interventriculaire en position neutre et assurer son aide contractile au VD [1]. En cas d’hypotension systémique, la pression de perfusion coronaire du VD diminue et le ventricule court un risque d’ischémie myocardique.
- Dysfonction diastolique du VG ; la dilatation du VD empiète sur la cavité du VG en diastole et en rétrécit le volume, ce qui corrrespond à une insuffisance diastolique gauche.
- Persistance de la réactivité des petits vaisseaux pulmonaires ; sous l’effet de l’hypercarbie, de l’hypoxie ou de l’acidose, les RAP peuvent encore s’élever et déclencher une poussée hypertensive pulmonaire.
Les facteurs suivants sont considérés comme les meilleurs critères de risque cardiovasculaire et de mortalité en cas d’HTP (voir Clinique de l’HTP) :
- Dysfonction du VD, dilatation de l’OD, PVC > 12 mmHg ;
- PAP moyenne > 35 mmHg, rapport PAPsyst/PAsyst > 0.7, rapport PAM/PAPm ≤ 3 ;
- SaO2 < 90%, Hb > 150 gm/L, SvO2 < 65%, VO2 max < 10 mL/min/kg ;
- Test de marche de 6 min < 300 m ;
- BNP > 200 pg/mL, NT-proBNP > 500 pg/mL ;
- PAP non réactive au NO• (baisse de PAP syst < 25%) ;
- Arythmies ventriculaires, rythme non-sinusal.
La sévérité de l’HTP ne reflète pas la fonction du VD, car elle baisse si ce dernier défaille ou augmente si le débit ventriculaire droit s’élève. Le rapport PAM/PAPm (normal ≥ 4) est un meilleur critère de l’importance de l’HTP que la valeur de la PAP. Les agents anti-hypertenseurs pulmonaires sont maintenus à la prémédication sans interruption, qu’ils soient oraux (bosentan, sildénafil, anticalcique), inhalé (iloprost, milrinone), sous-cutané (treprostinil) ou intraveineux (époprosténol). Les substances nébulisées sont continuées sur le ventilateur. En cas d’hypotension systémique, il est préférable d’ajouter un vascoconstricteur plutôt que de diminuer la dose. Un dispositif d’administration de NO doit être prévu sur le ventilateur de salle d’opération.
Stratégies possibles
Endormir un patient en insuffisance droite congestive ou souffrant d'hypertension pulmonaire (HTAP) est toujours complexe. La stratégie est basée sur les 7 points suivants (Tableau 12.15) :
- Adapter la précharge à la fonction du VD (PVC 10-12 mmHg) ;
- Maintenir les résistances artérielles systémiques ;
- Baisser les résistances vasculaires pulmonaires ; le rapport PAM/PAPm est maintenu à sa valeur d’équilibre préopératoire ;
- Maintenir le rythme sinusal (70-90 batt/min) ;
- Choisir un support inotrope spécifique ;
- Choisir entre respiration spontanée et ventilation mécanique ;
- Eviter l’acidose, l’hypothermie, le stress, la douleur et les frissons.
La première question stratégique est celle du choix entre l’anesthésie loco-régionale (ALR) avec ventilation spontanée ou l’anesthésie générale avec ventilation contrôlée. L’impact de l’IPPV sur l’insuffisance droite a déjà été analysé (voir Ventilation et insuffisance ventriculaire). Les caractéristiques de l’ALR rachidienne ne la rendent pas moins invasive dans le cadre de l’insuffisance du VD et de l’HTAP.
- Veinodilatation avec baisse de la précharge du VD, d’où baisse du débit pulmonaire car le débit du VD est dépendant de sa précharge en cas d’hypertrophie sur HTAP ; ceci ne s’applique pas aux cas d’HTAP aiguë avec VD normal.
- Vasodilatation artérielle avec baisse des résistances systémiques, d’où risque d’hypotension artérielle, d’aggravation des interactions entre les ventricules, d’ischémie coronarienne droite et d’aggravation de shunt D-G.
- L’ALR ne permet pas d'hyperventiler le patient ; au contraire, la sédation fait courir un risque d'hypoventilation et d'hypoxie.
- L'arbre vasculaire pulmonaire étant peu doté en récepteurs α et β [14], l'anesthésie péridurale thoracique n'a pas d'influence significative sur les résistances pulmonaires lorsqu’elles sont élevées, mais elle diminue la stimulation sympathique nécessaire à maintenir la performance ventriculaire systolique [2].
- La péridurale est une excellente technique d’antalgie postopératoire ; à effet équi-analgésiant, elle assure une meilleure ventilation spontanée que les opiacés. Son utilisation optimale est un bloc d’installation lente (sans dose de charge) induit en fin d’intervention. Son utilisation peropératoire en cas d’HTAP, par contre, ne permet pas une aussi bonne stabilité hémodynamique que les opiacés.
- La rachianesthésie est contre-indiquée en cas d’HTAP à cause de la chute trop brusque de la précharge et de la postcharge.
- Les prostaglandines ayant un effet anti-agrégant, il est recommandé d’attendre 30-45 minutes après l’administration d’époprosténol et 2-4 heures après celle d’iloprost pour procéder à une anesthésie loco-régionale rachidienne [26].
Comme déjà mentionné, il existe trois cas de figure qui imposent des contraintes et des stratégies différentes.
- Dysfonction primaire du VD avec PAP normale ; en cas d’infarctus, la priorité est au maintien d’une pression de perfusion coronarienne suffisante (vasoconstricteur systémique) ; en cas de cardiomyopathie, la priorité est au maintien de la contractilité (catécholamines, milrinone) ; la précharge est optimalisée (PVC 10-12 mmHg) pour obtenir le meilleur débit.
- La ventilation spontanée est le meilleur choix ;
- L’ALR est une solution logique.
- Défaillance aiguë entraînant une insuffisance congestive du VD sur excès de postcharge (embolie pulmonaire, BPCO, PEEP élevée, etc) ; la priorité est de baisser la précharge droite (nitroglycérine, diurétiques, position en contre-Trendelenburg), de soutenir l’hémodynamique droite (dobutamine, milrinone + adrénaline, nor-adrénaline), et de baisser la postcharge si cela est possible.
- L’effet d’une augmentation de Pit est mal prévisible ;
- Choisir le mode ventilatoire en fonction de la tolérance à une manoeuvre de Valsalva ou à la CPAP au masque ;
- Si la curarisation et l’IPPV sont nécessaires, hyperventiler en maintenant la Pit moy la plus basse possible (petit volume courant, haute fréquence).
- Hypertension pulmonaire chronique avec hypertrophie ventriculaire droite ; la priorité est de baisser les RAP (hyperventilation, NO•, prostacyclines, etc) ; la précharge doit rester élevée car le VD hypertrophié fonctionne sur une courbe de Starling analogue à celle du VG.
- L’IPPV est le meilleur choix ;
- L’ALR n’est indiquée que pour l’analgésie postopératoire.
Agents d’anesthésie et ventilation
Les agents d'anesthésie ont en général peu d’effets sur la circulation pulmonaire, à quelques exceptions près [22,23].
- Le thiopental augmente les RAP [19].
- La kétamine augmente les RAP de manière significative chez l’adulte ; elle inhibe la vasorelaxation induite par le NO• endogène [17].
- Le propofol augmente la réponse aux vasoconstricteurs pulmonaires [13] ; d’autre part, il baisse la précharge et les RAS.
- L’etomidate est sans effet sur la PAP et les RAP [20] ; il reste l’inducteur de premier choix.
- Le propofol a peu d'impact sur la circulation pulmonaire, mais baisse la précharge du VD.
- Les fentanils (fentanyl, sufentanil, alfentanil) amortissent efficacement l’augmentation des RAP en cas de stimulation sympathique.
- L'isoflurane et le sevoflurane atténuent la vasoconstriction pulmonaire hypoxique et la vasoconstriction réactionnelle à l'hypotension [7,8] ; ils freinent la vasodilatation de médiateurs endogènes tels le NO•, l'adénosine et la PGI2, mais agissent comme discrets vasodilatateurs pulmonaires [7].
- Le desflurane potentialise la vasoconstriction pulmonaire et augmente les RAP lorsqu’on en augmente la fraction inspirée [4,16].
- Le protoxyde d'azote augmente les résistances pulmonaires chez l'adulte, non chez l'enfant [11].
- Le bloc péridural cervical bas ou thoracique haut (C7-D5) inhibe la vasodilatation pulmonaire active neurogène, non-dépendante du NO• ; les RAP peuvent augmenter sensiblement. D’autre part, il inhibe la réponse inotrope à une augmentation de postcharge, découple le VD de la PAP et peut accélérer la défaillance droite en cas d’HTAP aiguë [18].
A part la kétamine, le thiopental, le desflurane et le N2O, aucun agent habituel n’est contre-indiqué en cas d’HTAP chez l’adulte. D'une manière générale, l'anesthésie doit être assez profonde pour bloquer la stimulation sympathique, ce que font les fentanils à dose élevée.
La ventilation est un compromis entre l’hyperventilation (PCO2 < 30 mmHg, pH > 7.45) et le maintien d'une pression intrathoracique moyenne (Pit) basse (6-10 cm H2O). Si le volume courant (VC) est faible, l’hypoventilation induit une vasoconstriction des petits vaisseaux à cause de l’acidose respiratoire (hypoxie, hypercarbie, atélectasies). Si le VC est élevé, les vaisseaux de grande taille sont comprimés et étirés par l’hyperinflation alvéolaire ; leur résistance augmente [6]. Le VC idéal correspond à celui de la capacité résiduelle fonctionnelle (CRF) (voir Figure 12.29). Une combinaison de volume courant modeste (6 mL/kg), de fréquence respiratoire normale et d’allongement de la pause expiratoire permet de maintenir la Pit moyenne et la PaCO2 les plus basses possible (l'allongement de la durée de l'inspirium augmente davantage la Pit moyenne que la valeur du pic inspiratoire de pression).
Tous les phénomènes qui peuvent exacerber les RAP sont à éviter :
- Hypoventilation : hypercarbie, hypoxémie, atélectasies ;
- Surpression intrathoracique ;
- Acidose ;
- Hypothermie ;
- Stimulation sympathique, stress, douleur, anesthésie superficielle.
La péridurale thoracique basse ou lombaire avec installation très lente du bloc, sans dose de charge, est une alternative en cas d’insuffisance droite si l’HVD et l’HTAP ne sont pas massives ; la postcharge du VD n’est pas modifiée ; l’apport liquidien est réglé en fonction de la précharge (PVC) et de l’installation du bloc sympathique. La rachianesthésie est contre-indiquée parce que la chute de la précharge droite et des RAS est trop brutale, particulièrment lorsqu’il existe un shunt (voir Chapitre 18) [22]. Les recommandations pour l'anesthésie en cas d’insuffisance droite et d’HTAP sont résumées dans le Tableau 12.15.
Hémodynamique
La dopamine ayant un effet α vasoconstricteur pulmonaire, le choix du support inotrope se porte sur une catécholamine à effet β pur (dobutamine, isoprénaline) et un IPDE-3 (milrinone) ; la milrionone est plus efficace que la dobutamine pour augmenter la performance du VD en cas de RAP élevées [22]. La combinaison adrénaline (0.05-0.1 mcg/kg/min) + milrinone (0.5-1.0 mcg/kg/min) est souvent la plus efficace pour réaliser le meilleur compromis hémodynamique. La nor-adrénaline est nécessaire pour maintenir la pression artérielle systémique et la perfusions coronarienne droite ; l’augmentation de la postcharge gauche favorise le positionnement du septum interventriculaire bombé dans le VD et améliore le soutien du VG au VD. La vasopressine pourrait être le vasopresseur systémique idéal, car elle n’augmente pas les RAP [3]. Bien que très onéreux, le levosimendan (0.05-0.2 mcg/kg/min) est un agent inotrope bien adapté car il abaisse les RAP et restaure le couplage ventriculo-artériel droit. La contrepulsion intra-aortique peut être indiquée pour le maintien de la perfusion coronarienne. Après chirurgie cardiaque, la non-fermeture du péricarde et du sternum diminue les contraintes mécaniques sur le VD et prévient l'interférence du ventricule droit dilaté sur le ventricule gauche. Ces mesures s’accompagnent de l’administration de vasodilatateurs pulmonaires (voir Tableaux 12.6 et 12.11).
Monitorage
En présence d’HTAP (PAPm > 25 mmHg), un cathéter artériel systémique est mandatoire. L’amplitude des variations de la pression artérielle en IPPV (ΔPA) est normalement proportionnelle au degré d’hypovolémie du patient ; malheureusement, ce n’est plus le cas en présence d’une défaillance droite et/ou d’une hypertension pulmonaire. Dans cette situation, le ΔPA n’est plus un indice de réponse au remplissage, mais peut au contraire conduire à une surcharge de volume très délétère dans la cadre d’une défaillance droite congestive [27]. L’évaluation du volume à l’échocardiographie est largement préférable pour diagnostiquer une hypovolémie [25]. Le cathéter pulmonaire de Swan-Ganz est recommendé en cas de chirurgie majeure, aortique ou cardiaque. Dans les autres cas, une voie centrale est suffisante pour évaluer la PVC, qui indique la précharge du VD et son degré de congestion. Les mesures à surveiller en permanence sont la PVC, la PAP, les RAP et le VS ; la PAPO n’est déterminante qu’en cas de dysfonction du VG ou de pathologie mitrale [12]. Une information majeure sur la fonction du VD peut être obtenue par l’enregistrement de la pression intraventriculaire droite (PVD) (port ventriculaire du cathéter artériel pulmonaire Paceport™) ; la superposition des courbes de PVD et de PAP montre que la pression diastolique du VD, normalement horizontale et inférieure à la PAPd, devient oblique ascendante lors de défaillance du VD, au point que sa valeur télédiastolique devient identique à celle de la PAPd (voir Figure 12.12B) [5].
L'échocardiographie transoesophagienne (ETO) est capitale, car elle permet de suivre la fonction et la taille du VD, ainsi que la position du septum interventriculaire [25]. En cas d’augmentation brusque de postcharge ou de dysfonction aiguë, le VD se dilate immédiatement. La stase qui s’ensuit se manifeste par une dilatation de l’OD et un bascule du septum interauriculaire dans l’OG (voir Figure 12.8A). La dysfonction du VD se caractérise par (voir Chapitre 25, Fonction VD, Indices échocardiographiques) :
- Augmentation de taille de l’OD et du VD ;
- Hypokinésie/akinésie de la paroi libre du VD ;
- Bombement du septum interauriculaire dans l’OG ;
- Bombement du septum interventriculaire dans le VG, dont la taille diminue en diastole ;
- Apparition ou aggravation d'une insuffisance tricuspidienne ;
- Dilatation des veines caves, disparition des variations respiratoires de leur taille ;
- Shunt D-G par le foramen ovale, s’il est perméable.
L’ETO permet en outre de suivre l’évolution de la volémie, de la fonction du VG et des valvulopathies.
En chirurgie cardiaque par sternotomie, l’observation du champ opératoire permet de voir la fonction et la dimension du VD, puisque celui-ci est positionné antérieurement. Il est dilaté lorsque sa taille dépasse en hauteur la ligne d’ouverture du péricarde au niveau du diaphragme. Dans ces conditions, il est prudent de ne pas refermer le pericarde ni le sternum pour éviter la compression droite.
Crise hypertensive pulmonaire
Toute élévation de la PAP en cours d’intervention commande une intervention rapide de la part de l’anesthésiste. Celui-ci doit d’abord s’assurer qu’il ne s’agit pas d’une défaillance du VG ni d’une décompensation mitrale (PAPO > 15 mmHg, dysfonction du VG ou aggravation de l’IM à l’examen ETO); dans ce cas, la prise en charge porte sur l’insuffisance gauche ou la maladie mitrale, et non sur un traitement vasodilatateur pulmonaire potentiellement néfaste. Si l’élévation de la PAP s’accompagne au contraire d’une augmentation des RAP et d’une PAPO < 15 mmHg, un traitement vasodilatateur pulmonaire s’impose (voir Traitement de l’HTAP) [23].
- Alcalose hyperventilatoire, approfondissement de l’anesthésie et de l’analgésie, correction de l’acidose métabolique et de l’hypothermie.
- Inhalation de NO (10-20 ppm); addition facultative d’arginine en perfusion (15 mg/kg/min).
- Iloprost en inhalation (10-20 mcg en 20 min) ou en nébulisation (0.2-0.3 mL/min d’une solution à 10-20 mcg/mL).
- Epoprosténol (2-5 ng/kg/min) ou tréprostinil (1.25-2.5 ng/kg/min) en perfusion.
- Sildénafil (20-50 mg) par sonde gastrique (il existe depuis peu une préparation iv); il prévient l’effet rebond à l’arrêt du NO.
- Vasopresseur artériel pour le maintien de la pressions systémique (perfusion coronarienne droite) et de l’interdépendance ventriculaire (aide du VG au VD).
- Bloqueur calcique: dangereux en cas d’insuffisance droite, augmente la mortalité chez les 85% de non-répondeurs.
Si la poussée d’HTAP s’accompagne d’une défaillance droite (PVC ≥ 13 mmHg, dilatation aiguë du VD et de l’OD, aggravation de l’IT), le traitement doit comprendre un soutien pharmacologique de la fonction droite; par ailleurs, ce traitement améliore également la fonction gauche.
- Dobutamine en perfusion (environ 5 mcg/kg/min).
- Milrinone en perfusion (0.5 mcg/kg/min), ± perfusion d’adrénaline.
- Levosimendan (0.05-0.2 mcg/kg/min); très coûteux.
- Nitroglycérine (0.5-5 mcg/kg/min) si PVC > 15 mmHg.
- Maintien de la pressions systémique, de l’interdépendance ventriculaire et de la perfusion coronarienne droite avec un vasopresseur artériel (noradrénaline, vasopressine).
- En cas d’échec de ces mesures, prévoir une ECMO ou une assistance ventriculaire.
La clef de l’amélioration hémodynamique n’est pas une baisse de la PAP, mais une baisse de la PVC et une augmentation du volume systolique.
Chirurgie cardiaque
La chirurgie cardiaque est une épreuve particulièrement dure pour le VD, car tout concourt à augmenter les RAP (CEC, lésion pulmonaire de reperfusion, atélectasies, protamine, réaction inflammatoire, dysfonction endothéliale) et le risque ischémique droit (protection myocardique suboptimale, embolie gazeuse coronarienne, hypotension, infarctus) [9,10]. En cas d’assistance ventriculaire gauche, le risque de décompensation droite est élevé (voir Anesthésie et assistance ventriculaire). En cas d’insuffisance droite congestive, il est recommandé de débuter le levosimendan (0.05-0.2 mcg/kg/min) avant l'intervention ou au plus tard dès l’induction. A cause de l’effet rebond à l’arrêt du NO, il est préférable de continuer son administration en ventilant pendant la CEC [23]. Les substances administrées en perfusion sont maintenues jusqu’à la CEC. Curieusement, la contraction longitudinale du VD, qui est son principal axe d’éjection, diminue de moitié dans les 5 minutes qui suivent l’ouverture du péricarde et persiste pendant toute l’intervention; les opérations sans péricardotomie extensive sont dépourvues de cet effet [24]. Il est probable que la péricardotomie modifie l’interdépendance ventriculaire.
La mise en charge et la période qui suit la CEC sont des moments à haut risque d’exacerbation de l’HTAP. Vu la composante de vasoconstriction artérielle pulmonaire qui accompagne toute HTP postcapillaire, la correction d’une pathologie mitrale ou d’une insuffisance gauche ne se traduit pas par une normalisation de la PAP dès la sortie de CEC. Il s’y ajoute au contraire les éléments propres à cette dernière. L’interdépendance ventriculaire, qui fournit 30-40% de la performance systolique droite, est monitorée par la position du septum interventriculaire à l’ETO. Une augmentation des RAP ou une baisse des RAS renversent le gradient trans-septal et péjorent la fonction droite. Une surcharge en volume dilate le VD, induit une insuffisance tricuspidienne et fait basculer le septum dans le VG (effet Bernheim) [21]. Tant que le péricarde est ouvert, le VD peut s’expandre vers l’extérieur et le VG est peu gêné, mais dès la fermeture du péricarde et du sternum, le coeur est comprimé comme lors d’une tamponnade et l’interférence est maximale. Il est donc souvent nécessaire de fermer le péricarde avec un patch d’élargissement et de laisser le sternum ouvert pour 48-72 heures.
Anesthésie, insuffisance droite et HTAP |
Critères de risque préopératoire: dysfonction du VD, PAPm > 30 mmHg (non réversible sous NO), rapport PAM/PAPm ≤ 3, SaO2 < 90%, Hb > 150 g/L.
Impact clinique de l'HTAP:
- Débit pulmonaire fixe, hypoxémie à l'effort ou lors d’hypovolémie
- Persistance de la réactivité des petits vaisseaux (vasoconstriction pulmonaire hypoxique)
- HVD: débit droit dépendant de la précharge, intolérance à l'hypovolémie
- Risque ischémique et fonctionnel du VD élevé en cas d'hypotension systémique
- Insuffisance diastolique du VG (effet Bernheim)
Prise en charge de l’anesthésie en cas d’insuffisance droite
- Adapter la précharge à la fonction du VD
- Maintenir l’interaction ventriculaire en élevant les RAS (vasopresseurs)
- Abaisser les résistances vasculaires pulmonaires
- Choisir un support inotrope spécifique
- Choisir entre respiration spontanée et ventilation mécanique
- Eviter l’acidose, l’hypothermie, le stress, la douleur et les frissons
Insuffisance du VD (IVD) et ventilation, 3 situations possibles:
- Insuffisance du VD (infarctus, cardiomyopathie, sepsis) avec PAP normale: IPPV mal supportée à cause de l’augmentation de la postcharge du
VD défaillant ; ALR indiquée
- IVD sur élévation aiguë de la postcharge (embolie pulmonaire): l’IPPV représente une faible augmentation supplémentaire de la PAP, mais peut
suffire à décompenser le VD; tolérance variable à l’IPPV
- HTAP chronique avec HVD: l’IPPV augmente peu la postcharge chroniquement élevée du VD hypertrophié; l’IPPV est bien tolérée et permet de
baisser les RAP par hyperventilation; indication à l’AG de préférence à l’ALR Agents d’anesthésie et HTAP:
- Kétamine et thiopental augmentent les RAP; propofol: sensibilisation aux hypertenseurs pulmonaires
- Etomidate, midazolam: sans effet
- Fentanils: freinent la vasoconstriction pulmonaire sympathique (douleur, stress, froid)
- Sevoflurane, isoflurane: freinent la vasoconstriction pulmonaire hypoxique
- Desflurane: augmente les RAP
Monitorage: cathéter artériel, PVC, si possible ETO; dans les cas de chirurgie majeure, cathéter pulmonaire de Swan-Ganz
Technique d’anesthésie recommandée en cas d’HTAP:
- Maintien strict de la normothermie
- Maintien strict de la pression systémique (RAP élevées par nor-adrénaline ou vasopressine)
- Si HTAP chronique avec HVD: préférence pour anesthésie générale et ventilation contrôlée
- Alcalose respiratoire (hyperventilation à basse pression), FiO2 élevée; correction de l’acidose
- Anesthésie et analgésie profondes
- Sédation: midazolam
- Induction: étomidate
- Maintien: halogéné (sevoflurane) + fentanil (fentanyl, sufentanil, remifentanil)
- Agents inotropes (dobutamine, milrinone) et vasodilatateurs pulmonaires (NO, iloprost, époprosténol) selon besoin.
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© BETTEX D, CHASSOT PG, Janvier 2008, dernière mise à jour, Novembre 2018
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12 Anesthésie et insuffisance ventriculaire
- 12.1 Introduction
- 12.2 Présentation clinique
- 12.3 Traitement de l'insuffisance ventriculaire
- 12.4 Assistance ventriculaire
- 12.4.1 Principes, indications et physiopathologie
- 12.4.2 Contre-pulsion par ballon intra-aortique (CPIA)
- 12.4.3 Extra-Corporeal Membrane Oxygenation (ECMO)
- 12.4.4 Dispositifs d’assistance ventriculaire à court terme
- 12.4.5 Dispositifs à long terme
- 12.4.6 Problèmes liés à une assistance ventriculaire
- 12.4.7 Rôle de l’échocardiographie dans l’assistance ventriculaire
- 12.4.8 Anesthésie et assistance ventriculaire
- 12.5 Hypertension pulmonaire
- 12.6 Anesthésie en cas d'insuffisance ventriculaire
- 12.6.1 Contraintes
- 12.6.2 Evaluation préopératoire
- 12.6.3 Stratégies d’anesthésie
- 12.6.4 Ventilation et insuffisance ventriculaire
- 12.6.5 Agents intraveineux et halogénés
- 12.6.6 Anesthésie générale du patient en insuffisance ventriculaire gauche
- 12.6.7 Anesthésie loco-régionale
- 12.6.8 Insuffisance droite et hypertension pulmonaire
- 12.6.9 La thrombendartérectomie pulmonaire (TEAP)
- 12.7 Conclusion