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Problèmes liés à une assistance ventriculaire

Certaines pathologies cardiaques peuvent affecter le fonctionnement des pompes qui tentent de remplacer un ventricule [3,18,25]. 
 
  • Un foramen ovale perméable (FOP) peut occasionner une désaturation artérielle par shunt droite-gauche massif lorsque la pression de l'OG est effondrée par l'assistance ventriculaire gauche alors que la POD augmente par insuffisance droite ; il doit être fermé au cours de l’implantation.
  • Une insuffisance aortique crée un flux rétrograde permanent qui empèche une décompression efficace du VG par l’assistance, car elle crée un circuit en boucle canule aortique → aorte ascendante → fuite dans le VG → retour à la pompe. Une IA > I justifie le remplacement de la valve au moment de l’implantation de l’assistance.
  • Un frein au remplissage du VG (sténose mitrale) diminue la précharge de la pompe ; l’obstacle doit être levé (commissurotomie mitrale).
  • Un thrombus ventriculaire ou auriculaire gauche peut être délogé et fragmenté ; il peut obstruer la canule d’aspiration de la pompe. Il doit être extrait en cours d’intervention ; l’appendice auriculaire gauche est ligaturé.
  • L’anévrysme et l’athéromatose étendue de l’aorte ascendante empèchent d’implanter correctement le tube prosthétique artériel.
 
Anticoagulation
 
L’anticoagulation est malheureusement une contrainte inévitable des assistances circulatoires. Son intensité dépend du type de pompe et du degré de biocompatibilité des surfaces en contact avec le sang (métal, polycarbone, surface enduite d’héparine, revêtement de polymères, etc). L’héparine est ajustée pour un effet anti-Xa 0.3-0.7 UI ou anti-IIa 0.2-0.3 UI, et l’agent anti-vitamine K est réglé pour un INR 2.0-3.0, selon le modèle [8]. L’activation plaquettaire par les surfaces étrangères est diminuée par de l’aspirine (100-325 mg/j), du dipyridamole (75 mg 2 x/j) ou du clopidogrel (75 mg/j). En plus de l'anticoagulation, les systèmes HeartWare et Jarvick 2000 nécessitent de l'aspirine, et les dispositifs HeartMate une bithérapie (aspirine + clopidogrel). Seul le HeartMate XVE ne requiert qu’un traitement antiplaquettaire. La constante génération de thrombine dans les systèmes circulatoires mécaniques consomme le facteur XIII, qui est souvent déficient. Avec les turbines à flux continu, il apparaît fréquemment une maladie de von Willebrand acquise (type IIa) par clivage des multimères du FvW sur le stress de cisaillement, analogue au syndrome de Heyde dans les sténoses aortiques serrées [6]. Une thrombocytopénie induite par l’héparine (HIT, heparin-induced thrombocytopenia) survient dans 8-10% des cas après 5-10 jours d’héparinothérapie (voir Chapitre 8, HIT) et implique la conversion à un anti-thrombine direct (bivalirudine titrée en fonction de l’effet anti-IIa, argatroban ou dabigatran titrés en fonction de l’aPTT). 
 
En cas d’urgence ou d’hémorragie, le dérivé coumarinique n’est pas renversé avec de la vitamine K, car le risque de thrombose dans le circuit est trop dangereux ; on préfère contrer l’anticoagulation par l’administration précautionneuse de facteurs isolés (fibrinogène, FXIII) et d’agents pharmacologiques (acide tranexamique, desmopressine) en se basant sur les tests de coagulation (TP, aPTT, TT, fibrinogène), le thromboélastogramme et un test d’activité plaquettaire (voir Chapitre 8, Tests peropératoires et Facteurs de coagulation) [8]. Dans le contexte d’une pompe au sein du circuit circulatoire, le complexe prothrombinique et le facteur VII activé (rFVIIa) comme procoagulants de sauvetage sont associés à un risque thrombo-embolique dramatiquement élevé (jusqu’à 37%) ; ils ne sont pas recommandés dans ce contexte [2].  
 
Complications
 
Les complications périopératoires précoces sont très fréquentes puisque leur taux dépasse 60% des cas [7]. Elles sont liées au status du patient, aux risques de la chirurgie et aux particularités des différents systèmes d’assistance [1,17].
 
  • Défaillance du ventricule non-assisté : en cas d'assistance univentriculaire gauche, le soulagement hémodynamique apporté par la pompe peut dévoiler une insuffisance ventriculaire droite préalablement masquée par le bas débit du VG. Ceci survient dans 10-35% des cas (voir Anesthésie et assistance, Insuffisance VD aiguë) [3]. 
  • Hémorragie : l’incidence varie de 30 à 80% des cas, la mortalité est de 3% [7].  
  • Tamponnade : fréquente (25%), elle est paucisymptomatique car les signes habituels (tachycardie, hypotension, pouls paradoxal, égalisation des pressions de remplissage) sont modifiés ou absents ; elle doit être suspectée chaque fois que le débit est abaissé et les pressions de remplissage élevées ; l’échocardiographie est essentielle pour le diagnostic [4]. 
  • Arythmies : fréquentes (30-60%), elles entraînent une stagnation du sang et un risque de thrombus intracavitaire ; le rythme sinusal est important pour la fonction du VD et pour la récupération éventuelle du VG.
  • Infections : fréquentes (40%), elles sont responsables de 15% des décès ; elles se répartissent en infections liées au système mécanique (orifices des câbles percutanés, plaie, médiastinite, "endocardite" du ventricule artificiel) et en infections systémiques (sepsis, pneumonie, etc) [7,22]. Prise en charge : mesures d’asepsie stricte pour toute manipulation, normoglycémie, extubation rapide, ablation précoce des drains, antibiothérapie immédiate et agressive. 
  • Vasoplégie: avec les système à flux continu, elle survient dans près d'un tiers des cas. Elle requiert des vasopresseurs (noradrénaline, vasopressine) et parfois du bleu de méthylène ou de l'hydrocortisone [15].
  • Insuffisance rénale : 20% des cas [7,23].
  • Problèmes mécaniques : panne de pompe (10%), dommage aux câbles percutanés (5-9%), obstruction des canules par coudure (contrôle ETO) ; ils sont responsables de 3% de la mortalité [11].
  • Hémolyse : plus fréquente avec les turbines à débit continu, elle est liée à l’accélération et à la décélération des hématies dans les flux rapides ; elle peut survenir dans les obstructions ou les thrombocytopénies induites par l’héparine ; le taux d’Hb libre est > 4 mg/mL [1].
Les complications à plus longue échéance sont nombreuses et fréquentes, mais les incidences qu’on peut en donner sont sujettes à caution, car elles sont très variables selon les modèles de pompes et selon les risques propres des patients [1,22]. D’où les larges fourchettes des chiffres ci-dessous.
 
  • Infections : elles restent une cause majeure de complications et de décès tout au long de la survie (32-45% des cas) ; la moitié sont des épisodes de sepsis . Elles sont en lien avec un syndrome inflammatoire systémique (SIRS) et un défaut d'immunité cellulaire.
  • Hémorragie (17-27%) : l’anticoagulation (INR 2.0-3.0), la perte de plaquettes et les antiplaquettaires (aspirine 100-325 mg) sont une cause majeure de spoliation sanguine. A cela s'ajoute une maladie de von Willebrand acquise (syndrome de Heyde) avec les turbines à flux continu: l'accélération du sang par l'hélice cisaille les molécules du complexe FvW, qui ne peuvent plus remplir leur fonction hémostatique [6]. Les hémorragies surviennent le plus souvent dans le tube digestif (10-40% des cas), mais sont intracrâniennes chez 2.5-10% des patients. Le risque de saignement s’élève jusqu’à 50% avec les systèmes à flux continu [6]. La dépulsation artérielle de ces derniers est à l'origine d'angiodysplasies digestives très hémorragipares [20]. L'endoscopie pour hémostase est une des interventions les plus fréquentes chez ces malades.
  • Thromboses: thrombo-embolies périphériques (10-30% selon les modèles), AVC ischémique (4-7% par an) [7,16,23]. Le taux de thrombose de la pompe oscille entre 2.9% et 8.4% selon les modèles et les régimes anticoagulants [16]. La thrombose de pompe se caractérise par un index de pulsatilité bas et par une augmentation de la puissance délivrée (> 10 W) sans augmentation de débit [24]. Facteurs étiologiques les plus fréquents: malposition des canules, friction dans la pompe, bas débit du VG et/ou de la pompe, état hypercoagulable du malade, anticoagulation inefficace (INR < 2.0-3.0).
  • Séquelles neurologiques: les AVC ischémique ou hémorragique (incidence moyenne 10%) sont un accident très débilitant; ils sont plus fréquents avec les turbines à flux continu qu'avec les assistances pulsatiles [12,21]. La thrombolyse systémique est exclue à cause du risque hémorragique, mais la thrombectomie percutanée est envisageable si elle est réalisable. Les troubles neuro-psychologiques sont plus fréquents (13-47%); ils sont liés aux micro-embolies, aux épisodes d'hypoperfusion cérébrale et au syndrome inflammatoire [9].
  • Panne mécanique : plus rare avec les systèmes à flux continu, elles peuvent survenir à tout instant.
  • Dégénérescence de la valve aortique : les systèmes à flux continu imposent une charge constante élevée à la valve aortique, qui reste fermée en permanence. Surviennent progressivement des lésions dégénératives qui conduisent à une fusion commissurale et à une fuite centrale ; cette dernière réduit l’efficacité de la pompe. Pour prévenir ce phénomène, il est important d’ajuster le débit de la turbine de manière à ce que le VG puisse ouvrir la valve aortique tous les 3-5 cycles cardiaques ou toutes le 5 secondes environ. Si la fuite est importante, il faut envisager une plastie chirurgicale ou un RVA [10].
  • Arythmies : elle persistent à long terme chez 20-25% des malades.
  • Allosensibilisation: le contact permanent avec des surfaces étrangères induit la formation de multiples anticorps anti-HLA, complique la recherche ultérieure de donneurs compatibles et augmente le risque de rejets. Il est recommandé de transfuser les patients sous assistance en attente d'une greffe avec du sang déleucocyté et irradié [13].
  • Modifications vasculaires: altération de l'élasticité vasculaire et perte de compliance artérielle, perte cellulaire dans la média de l'aorte, dilatation aortique et insuffisance de la valve aortique engendrées par la dépulsation du flux fourni par les turbines et les pompes centrifuges à flux continu [14].
  • Problèmes psychologiques : savoir que sa vie tient à une machine qui peut avoir un problème à tout instant est une angoisse permanente considérable ; dépression et suicide ne sont pas rares (7% / 6 mois) [26].
L’infection domine le tableau, puisque 41% des décès sont liés à une sepsis [5]. Les systèmes à flux continu ont un taux global de complications (infections, thromboses, problèmes mécaniques) clairement inférieur à celui des systèmes pulsatiles (OR 0.38), mais un risque hémorragique plus élevé [19,23].  


 
Problèmes des assistances circulatoires
Pathologies nécessitant une correction avant l’implantation: FOP, insuffisance aortique degré > I, sténose mitrale, thrombus intracavitaire (VG, appendice auriculaire gauche), insuffisance tricuspidienne sévère.
 
La mise en place d’une assistance monoventriculaire gauche induit une décompensation droite dans 30% des cas; plusieurs phénomènes sont en cause:
    - L’augmentation du retour veineux droit à cause de l’amélioration du débit gauche est excessif pour le VD dont la dysfonction était masquée par
      l’insuffisance gauche
    - La décompression gauche supprime l’aide apportée à l’éjection droite par la contraction du septum interventriculaire
    - Si les RAP ne sont pas basses, l’augmentation du débit droit se traduit pas une élévation de l’impédance dans l’AP et une augmentation de
       postcharge pour le VD
L’insuffisance droite ne permet pas à l’assistance gauche d’avoir une précharge adéquate. Une prise en charge proactive et rapide de la fonction droite est impérative:
    - Soutien inotrope du VD (dobutamine, milrinone + adrénaline, levosimendan)
    - Vasodilatation pulmonaire (NO, prostacycline, nitroglycérine)
    - Noradrénaline pour maintenir la pression de perfusion coronarienne et l'appui septal
 
Complications de l’assistance à long terme:
    - Hémorragie, tamponnade 
    - Infections locales, médiastinite, sepsis
    - Thrombo-embolie, AVC
    - Pannes mécaniques
    - Insuffisance rénale, insuffisance polyorganique
    - Syndrome inflammatoire systémique
    - Hémolyse


© BETTEX D, CHASSOT PG,  Janvier 2008, dernière mise à jour, Novembre 2019
 
 
Références 
 
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12 Anesthésie et insuffisance ventriculaire